Un Scorsese «géant» mais pas génial

Publié le 27 octobre 2023
Accueilli avec enthousiasme à Cannes, «Killers of the Flower Moon» ne tient pas toutes ses promesses. Si l'histoire de la spoliation d'Indiens enrichis par le pétrole est de nature à frapper les esprits, le récit criminel retenu manque de concision et sa mise en scène d'inspiration, tout en rejetant les Indiens à l'arrière-plan.

Trois heures et vingt minutes de projection, une contre-histoire des Etats-Unis, le face-à-face tant attendu entre Leonardo DiCaprio et Robert De Niro, une première triomphale à Cannes, même hors compétition: on peut dire que le nouveau film de Martin Scorsese, qui a fêté ses 80 ans durant ce tournage, en impose. On ose malgré tout avouer avoir été déçu? Oh, pas autant que par The Aviator, The Wolf of Wall Street ou The Irishman, autres preuves d'une réputation parfois étrangement surfaite. Certes, l'histoire de la spoliation criminelle des Indiens Osage il y a un siècle, révélée en 2017 par le romancier-journaliste-historien David Grann dans un formidable best-seller, aurait pu tomber entre pires mains! Mais le néo-classicisme de Scorsese fait long feu, la distribution d'acteurs de vingt ans trop âgés pour leurs rôles paraît moins qu'idéale et c'est à peine si une séquence mémorable se dégage de l'ensemble. Bref, on a senti le temps passer, ce qui n'est jamais très bon signe.
Killers of the Flower Moon s'ouvre sur une séquence symbolique de cérémonie indienne durant laquelle les Osage disent adieu à leur calumet sacré, actant ainsi leur acceptation du monde moderne de l'homme blanc. Mais là où un cinéaste d'autrefois n'aurait pas hésité à faire jaillir du pétrole du trou-même creusé pour l'enterrer, Scorsese préfère enchaîner sur une deuxième scène où ce sont d'autres Indiens qui finissent aspergés. Puis on passe à des images d'actualité recréées dans le style d'époque (les années 1910) pour expliquer l'enrichissement fabuleux de la tribu, l'or noir ayant surgi sur les terres ingrates de l'Oklahoma où on les avait parqués. Ceci posé, le récit proprement dit peut commencer. Mais la coupe malencontreuse nous est restée à l'esprit, rappelée par toute une série d'autres mo...

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