Il nous écrit de Moscou

Publié le 9 juin 2023
Alexandre S., écrivain et artiste moscovite qui tient à son anonymat, a décidé dès le début de la guerre de rester en Russie. Il y a sa famille, ses souvenirs, toute sa vie. Le climat est de plus en plus pesant. Désertion des appelés, fuite des intellectuels et des opposants, quotidien entravé par les sanctions, la claustrophobie menace. Mais dans ces pages de journal, on lit aussi l’espoir, l’obstination, et le désir fou que l’humanité, les arts et la paix triomphent des armes. Alexandre ne se sent ni responsable ni innocent, seulement vivant.

Devant les horreurs de la guerre déclenchée par son propre pays, il faudrait que le silence suffise. Mais Alexandre S., écrivain russe résidant à Moscou et tenant à son anonymat, est... un écrivain. Ses armes, sa voix, sa façon d’être et de vivre, ce sont les mots. En août 2022, alors que le monde sort à peine de la stupeur et de la sidération devant l’invasion de l’Ukraine, il publie un premier volume de son journal, Je vous écris de Moscou. Etre ou ne pas être à Moscou est le second ouvrage qui nous parvient de lui, qui a choisi de rester.
Plus encore, qui a choisi de revenir sans cesse dans la capitale russe. Invité à de nombreux festivals littéraires en Arménie, en Géorgie, en Ouzbékistan, il aurait eu vingt fois l’occasion de laisser Moscou derrière lui, il y revient.
Il faudrait aussi pouvoir citer ici in extenso ce journal tenu entre le 20 septembre et le 20 décembre 2022, pour ne pas trahir la pensée de ce Russe ordinaire, ne pas céder à la simplification, résister à la tentation de faire d’Alexandre un complice comme un autre de l’armée de Poutine, parce qu’il possède un passeport de la Fédération de Russie. Ou même d’en faire un archétype. En temps de guerre, les écrivains sont les empêcheurs de penser en noir et blanc.
Tout récemment, au tournoi de tennis de Roland-Garros, la joueuse ukrainienne Elina Svitolina a refusé de serrer la main de son adversaire russe Daria Kasatkina. En raison de sa nationalité, comme elle l'avait fait précédemment après son match contre la Bélarusse Anna Blinkova. Kasatkina, ouvertement opposée à la guerre, a respecté le geste... et a malgré tout été huée par le public. Elle dit quitter le tournoi avec un «sentiment amer», et appelle à ne pas répandre la haine.
Peut-être aurons-nous dans un troisième volume le sentiment d’Alexandr...

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