La pauvre courtisane de Versailles

Publié le 19 mai 2023
Film d'ouverture du Festival de Cannes, «Jeanne du Barry» de Maïwenn est un beau spectacle, quoique historiquement arrangé et un peu vain. D'où sans doute sa tenue à l'écart de la compétition, où la cinéaste avait déjà figuré. Et comme c'est souvent le cas dans ce genre de grosses productions, le «méta-film» est presque plus intéressant que le film lui-même.

Après Mon roi, film inspiré de ses propres amours toxiques avec un escroc, quoi de plus logique que cette Jeanne du Barry qui la propulse amante d'un vrai roi, Louis XV? L'irrésistible ascension de Maïwenn (Le Besco) au firmament du 7ème art ne pouvait décemment s'arrêter à une chronique people inexplicablement sélectionnée en compétition à Cannes. La voici donc qui signe une sorte de «film tapis rouge» ultime, tourné à Versailles et peuplé de visages connus, à commencer par celui de Johnny Depp. Mais il y a aussi un projet plus estimable: rendre son prénom à celle qu'on ne connaît aujourd'hui plus que sous le nom de Madame du Barry. Une femme qui valait mieux que sa légende de courtisane profitant d'un roi vieillissant avant de finir guillotinée par la Révolution.
Las! Cette réhabilitation ne sera pas allée sans une polémique liée à l'opportunité de lui adjoindre celle de Johnny Depp, honni des féministes depuis son procès pour de supposées violences conjugales. On pourrait tout aussi bien se demander pourquoi le film possède un narrateur masculin (Stanislas Stanic), mais passons... Mieux vaut se réjouir qu'il échappe au ridicule et qu'il présente même des passages très réussis. Sujet oblige, Maïwenn y a bridé sa fougue parfois brouillonne (cf. aussi Polisse et ADN) pour une mise en scène plus tenue que d'habitude. Quant à son interprétation de la favorite du roi, elle est remarquable malgré ses vingt ans d'écart avec le modèle et même si on peut appeler ça se donner le beau rôle: il y a clairement une part d'identification de l'actrice/autrice avec cette femme du peuple partie de rien, qui s'est hissée au sommet de la société de son temps. Le film y trouve sans doute sa raison d'être.
Spontanéité contre rituels
Rien ne prédestinait en effet Jeanne Bécu, fille illégiti...

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