Une voix allemande pour la paix

Publié le 29 juillet 2022
La nouvelle est passée inaperçue. Qu’on la juge importante ou pas, cet embarras des médias est significatif. Il y a quelques jours, un poids lourd de la politique allemande est allé à contre-courant. Michael Kretschmer est ministre-président (CDU) du Land de Saxe (4 millions d’habitants). Il a déclaré que la guerre en Ukraine devait maintenant être «congelée».

«Congelée»… par un accord de cessez-le-feu au plus vite. Il va jusqu’à proposer que l’Allemagne serve de médiatrice. Tollé. L’opposition des Verts et de la gauche se déchaîne contre lui, ainsi qu’une grande partie de son propre parti. Ce que cela veut dire? Qu’il n’est pas seul à penser ainsi: un tel politicien est soucieux de sa réélection. S’il s’aventure vers une thèse jugée scandaleuse dans le climat actuel, c’est qu’une partie de l’opinion publique est de son avis. Elle se tait pour l’heure. Elle s’exprimera quand les conséquences des sanctions se feront sentir davantage en Europe occidentale. 

Mais Kretschmer a-t-il des chances d’être entendu? Dans l’immédiat, aucune. Cependant il prend date, car tôt ou tard, il faudra bien en effet que les belligérants se mettent autour d’une table. Car aucun des camps n’est en mesure de gagner ou de perdre la guerre. Au-delà des déclarations officielles, à Kiev comme à Moscou, il y a dans les cercles du pouvoir des voix discrètes qui, dans l’ombre, poussent vers une telle issue. Et dans les deux capitales, des éléments qui au contraire veulent prolonger le conflit jusqu’au bout. Mais quel bout? Poutine connaît les limites de son armée dont les positions stagnent. Manque d’hommes, manque de motivation dans la troupe. Zelensky sait aussi que même avec l’afflux d’armes occidentales sophistiquées il ne chassera pas les Russes de toutes les zones occupées. L’OTAN, les Américains, les Européens les plus déterminés, peuvent encore demander un certain temps que les Ukrainiens se battent «jusqu’au dernier». Il arrivera pourtant un moment où ce discours cynique («faites la guerre, allez mourir à notre place») ne sera plus tenable. Poutine aussi sait que si son «opération spéciale» stagne encore des semaines et des mois, il risque d’être renversé. Plus probablement par des nationalistes encore plus durs et dangereux plutôt que par les mouvances aux aspirations démocratiques et pacifiques. 

Le président turc Erdogan offre aussi ses services et a quelques moyens de pression sur la Russie. Si demain l’Allemagne se joint à lui, aussi invraisemblable que cela paraisse aujourd’hui, la proposition pèsera. Toutes les guerres ont une fin. Parfois sans vainqueurs ni vaincus.

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