Transparence, mon œil!

Plusieurs cantons aussi. Mais ce n’est pas tout simple. Les documents demandés arrivent souvent caviardés. Et contre des émoluments parfois élevés. Des journalistes enquêteurs se sont organisés pour améliorer la situation et venir en aide aux curieux désemparés. Leur blog, très pro, est fort utile: loitransparence.ch
A Berne, on traîne souvent des pieds face à de telles demandes. Ou l’on plante sur les freins! L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) se refuse obstinément à révéler la nature et le montant des contrats conclus pour l’achat de 38 millions de doses de vaccin pendant la pandémie de Covid. Avec d’autres, Rémy Wyssmann, avocat et Conseiller national UDC de Soleure, fait remonter une demande d’ouverture complète des documents jusqu’au Tribunal administratif fédéral. Suspense. Fin novembre 2023, Adrian Lobsiger, Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT), a donné raison aux requérants dans une recommandation. Il a enjoint l’OFSP à rendre publics les accords passés avec Moderna et Pfizer. Mais l’autorité s’est opposée à la recommandation et a maintenu les caviardages par voie de décision politique.
Pourquoi ce blocage? Par respect du «secret des affaires». Cette notion vaut pour le domaine commercial privé. Elle n’a pas lieu d’être dans le secteur public. Le mécanisme est intéressant. Il pourrait se reproduire un jour. Les géants de la pharma concernés ont donc négocié avec les Etats, avec l’Union européenne, en imposant la confidentialité des transactions. Ils échappent ainsi à la concurrence entre eux. Ils peuvent donc imposer des prix exorbitants en toute opacité. A l’encontre des règles de base du capitalisme! Les caïds de tous poils les ont toujours tordues à leur profit.
Les Pfizer, Moderna, AstraZeneca et autres Novavax ont pu dicter leur loi car les gouvernements étaient pris de panique. Cela peut se comprendre. Mais qu’une fois la tempête passée la clarté ne puisse être faite, c’est intolérable. On est tenté d’en tirer la conclusion que l’OFSP est à la botte de ces géants. L’excuse que donne sa directrice, Anne Lévy, est ridicule. Elle prétexte que la France et la Suède, elles aussi, ne disent pas tout sur leurs contrats. Et il ne faudrait pas les gêner. Alors même qu’un représentant de Stockholm a précisé ceci dans une lettre à Berne: «La Suède s’abstient de se prononcer sur la question de savoir quelles informations la Suisse peut divulguer dans le cadre du contrat avec AstraZeneca ou d’autres fabricants de vaccins Covid-19.»
La connaissance des chiffres réels n’implique nullement une remise en cause de la politique sanitaire d’alors. Les contribuables ont simplement le droit de savoir comment a été utilisé l’argent public. Que ce soit pour l’achat d’un chasseur F-35, d’une rame de train… ou d’une livraison de vaccins.
La curiosité est d’autant plus nécessaire en l’occurrence que les pharmas en cause sont connus pour leurs méthodes de négociations peu orthodoxes. Comme lorsque Mme van der Leyen, présidente de la Commission européenne, négociait avec Pfizer à travers des SMS qu’elle se refuse obstinément à divulguer malgré une foule de demandes pressantes. Ce qui fragilise d’ailleurs ses chances d’être réélue.
Etonnant aussi, le peu d’insistance de notre Parlement devant ce manquement patent au devoir de transparence. Comme si l’OFSP était tabou. La plupart des médias aussi se montrent fort compréhensifs à son égard. Nous avons notre temple intouchable. Que fréquentent discrètement de puissantes divinités.
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