Publié le 28 octobre 2020
S’il est un qualificatif repris du mot d’ordre de Bon pour la tête qui s’applique particulièrement à François Sureau, c’est bien celui d’indocile. Voilà un écrivain hors les modes, sinon hors du temps, encore que pleinement engagé dans notre époque. Qui naguère, aurait pu être rangé parmi les Hussards, n’était son admiration pour Sartre. Car François Sureau, officier, avocat et maintenant académicien, n’est pas à un paradoxe près. Et surtout, ce qui n’est nullement contradictoire, écrivain farouchement attaché à la liberté. Sans laquelle, selon le mot de Chateaubriand qu’il fait sien, «il n’y a rien dans le monde.»

Etonnant parcours, et même destin, dirons-nous, que celui de François Sureau. On ne sait trop d’ailleurs par quel côté le prendre. Comme les chats, il a eu plusieurs vies – l’écrire est d’ailleurs devenu un truisme le concernant. Né d’un père président de l’Académie nationale de médecine, François Maurice Christophe Sureau de son nom complet, après l’ENA, devient avocat au barreau, puis près le Conseil d’Etat et la Cour de cassation; il travaille avec Alain Minc, rédige les statuts d’En Marche, le mouvement d’Emmanuel Macron, dont il est l’une des plumes ou du moins l’un de ses inspirateurs pour certains discours, dont celui du centenaire de l’Armistice. C’est aussi lui qui aurait fait dire au futur président: «Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort.» Car Sureau n’est jamais là où on l’attend. Libertaire – on va y venir – mais catholique et royaliste; anarchiste, détestant la bureaucratie et l’administration, mais soldat. Bien sûr avec panache – il y a du cadet de Gascogne, du Cyrano chez Sureau. Car notre homme est aussi colonel de réserve dans la Légion étrangère, rien moins. Et ce n’est pas pour rire. 
Chaque année il accomplit une période, comme en été 2019, qu’il a racontée dans le quotidien La Croix. «Le soldat vit en partie double et très peu le savent, entre la crasse et la beauté des tenues, la peur et l’oubli, l’héroïsme et l’administration, le règlement et ce cœur qui bat plus lourdement, plus profondément que le cœur des civils.» Et plus loin, évoquant des manœuvres à Djibouti: «Parfois, des bandes hostiles de singes gris montaient à coups de pierre à l’assaut de ce petit morceau détaché du désert des tartares et qui flottait dans le souvenir des temps anciens,...

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