RN: le naturel extrémiste revient au galop

Publié le 8 juillet 2022
Marine Le Pen continue à faire patte de velours. La dédiabolisation de son Rassemblement National demeure à l’état de permanente rhétorique. A peine installés à l’Assemblée nationale française, les 89 députés RN se disent opposants «constructifs» au président Macron. Surtout pas «extrémistes de droite». Mais chassez le naturel, le voilà qui revient au galop. En l’occurrence, à Perpignan.

Cette ville de 120’000 habitants, préfecture des Pyrénées-Orientales, a pour maire depuis deux ans Louis Aliot, chapeau à plumes du Rassemblement National, compagnon de Marine Le Pen de 2009 à 2019 mais resté fidèle sur le plan politique à la Cheffe RN.

Il fait partie de ces caciques du parti qui ont soutenu la stratégie de dédiabolisation, laquelle vient de récolter ses premiers fruits juteux à l’issue des récentes élections législatives. Ne lui dites pas qu’il est d’«extrême droite», vous risqueriez de le fâcher tout brun!

Le fantôme de l’Algérie française

Cela dit, dès qu’il s’agit de feue l’Algérie Française, Louis Aliot ne peut se retenir. Sa mère fut «Pied-Noir» et son père, combattant dans l’armée française durant la guerre d’Algérie.

Il s’est donc lâché du 24 au 26 juin derniers, lors des commémorations consacrées au soixantième anniversaire du rapatriement des Français d’Algérie à la suite du cessez-le feu du 19 mars 1962, manifestations organisées avec l’appui de la mairie de Perpignan (lire ici).

Le maire a particulièrement mis à l’honneur les terroristes de l’OAS – Organisation Armée Secrète – qui a semé la mort peu avant, pendant et après le processus de l’indépendance. 

Les putschistes citoyens d’honneur

Il a même élevé au rang de citoyens d’honneur de Perpignan les principaux protagonistes du putsch d’Alger de 1961, le commandant Hélie Denoix de Saint-Marc et le «quarteron des généraux en retraite» brocardé par le président de Gaulle dans son célèbre discours du 24 avril 1961, à savoir Challe, Salan, Jouhaud et Zeller. 

Leur but était de mobiliser l’armée pour contraindre, par la force, le gouvernement gaulliste à renoncer à rendre son indépendance à l’Algérie. Le coup suivant était, sans nul doute, d’instaurer un exécutif autoritaire à la place du pouvoir démocratique, coupable, selon eux, d’abandonner l’Algérie.

Certes, l’OAS n’avait guère d’autre idéologie que celle de s’opposer par tous les moyens à l’indépendance de l’Algérie. Dans ses rangs figuraient des antisémites et des juifs, d’ex-socialistes et des fascistes déclarés, des pétainistes et d’anciens héros de la Résistance. Il n’empêche que les seuls milieux qui les soutenaient ne se trouvaient ni à l’extrême gauche, ni à gauche, ni au centre, ni à droite – l’OAS a mené plusieurs tentatives d’assassinats contre de Gaulle (l’un a failli réussir au Petit-Clamart le 22 août 1962) – mais dans les mouvements d’extrême droite fascistoïdes. Qui, d’ailleurs, seront fédérés par Jean-Marie Le Pen, lors de la création du Front National, ancêtre du RN, en 1972. Oui, le monde est petit aux extrêmes!

L’héritage de l’extrême droite

Même si aujourd’hui, Louis Aliot et les siens nient l’empreinte fascistoïde de l’OAS en soulignant la diversité idéologique de son recrutement, il n’empêche que l’Organisation n’aurait pu qu’instaurer un pouvoir totalitaire en France pour atteindre son but.

En effet, s’ils avaient réussi leur coup, les putschistes auraient dû museler tous les secteurs sociaux, médiatiques, politiques et économiques de la France d’alors, tant la poursuite de la guerre d’Algérie se révélait impopulaire. Le référendum du 8 janvier 1961 sur l’autodétermination de l’Algérie avait été approuvé par 75% du corps électoral français.

Dès lors, en glorifiant l’OAS et les putschistes, Aliot revendique un héritage historique qui appartient clairement à l’extrême droite. Dis-moi qui sont tes parrains idéologiques, et je te dirais qui tu es. 

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Santé

Le parlement suisse refuse de faire baisser les coûts de la santé

Chaque année, à l’annonce de l’augmentation des primes d’assurance maladie, on nous sert comme argument l’inévitable explosion des coûts de la santé. Or ce n’est pas la santé qui coûte cher, mais la maladie! Pourtant, depuis des années, une large majorité de parlementaires rejette systématiquement toute initiative en lien avec (...)

Corinne Bloch

Une société de privilèges n’est pas une société démocratique

Si nous bénéficions toutes et tous de privilèges, ceux-ci sont souvent masqués, voir niés. Dans son livre «Privilèges – Ce qu’il nous reste à abolir», la philosophe française Alice de Rochechouart démontre les mécanismes qui font que nos institutions ne sont pas neutres et que nos sociétés sont inégalitaires. Elle (...)

Patrick Morier-Genoud

Sorj Chalandon compatit avec les sinistrés du cœur

Après «L’enragé» et son mémorable aperçu de l’enfance vilipendée et punie, l’écrivain, ex grand reporter de Libé et forte plume du «Canard enchaîné», déploie une nouvelle chronique, à résonances personnelles, dont le protagoniste, après la rude école de la rue, partage les luttes des militants de la gauche extrême. Scénar (...)

Jean-Louis Kuffer
Accès libre

Comment les industriels ont fabriqué le mythe du marché libre

Des fables radiophoniques – dont l’une inspirée d’un conte suisse pour enfants! – aux chaires universitaires, des films hollywoodiens aux manuels scolaires, le patronat américain a dépensé des millions pour transformer une doctrine contestée en dogme. Deux historiens dévoilent cette stratégie de communication sans précédent, dont le contenu, trompeur, continue (...)

Plaidoyer pour l’humilité intellectuelle

Les constats dressés dans le dernier essai de Samuel Fitoussi, «Pourquoi les intellectuels se trompent», ont de quoi inquiéter. Selon l’essayiste, l’intelligentsia qui oriente le développement politique, artistique et social de nos sociétés est souvent dans l’erreur et incapable de se remettre en question. Des propos qui font l’effet d’une (...)

Démocratie en panne, colère en marche

En France, ce n’est pas tant le tourniquet des premiers ministres et la détestation de Macron qui inquiètent, c’est le fossé qui se creuse entre la société et le cirque politicien, avec son jeu d’ambitions qui paralyse le pays. Le tableau n’est guère plus réjouissant en Allemagne, en Grande-Bretagne, en (...)

Jacques Pilet

USA out, Europe down, Sud global in

Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai et les célébrations qui se sont tenus en Chine cette semaine témoignent d’un nouveau monde. L’Europe n’en fait pas partie. A force de pusillanimité, d’incompétence géopolitique et à trop jouer la carte américaine, elle a fini par tout perdre. Pourtant, elle persévère (...)

Guy Mettan

Le trio des va-t-en-guerre aux poches trouées

L’Allemand Merz, le Français Macron et le Britannique Starmer ont trois points communs. Chez eux, ils font face à une situation politique, économique et sociale dramatique. Ils donnent le ton chez les partisans d’affaiblir la Russie par tous les moyens au nom de la défense de l’Ukraine et marginalisent les (...)

Jacques Pilet
Accès libre

L’individualisme, fondement démocratique, selon Tocqueville

Notre démocratie est en crise, comment la réinventer? Que nous enseignent ceux qui, au cours des âges, furent ses concepteurs? Pour le penseur français Alexis de Tocqueville (1805-1859), l’individualisme et l’égalisation des conditions de vie sont deux piliers essentiels de la démocratie.

Bon pour la tête
Accès libre

La politique étrangère hongroise à la croisée des chemins

Pour la première fois en 15 ans, Viktor Orban est confronté à la possibilité de perdre le pouvoir, le parti d’opposition de Peter Magyar étant en tête dans les sondages. Le résultat pourrait remodeler la politique étrangère de la Hongrie, avec des implications directes pour l’Union européenne.

Bon pour la tête

Un tunnel bizarroïde à 134 millions

Dès le mois prochain, un tunnel au bout du Léman permettra de contourner le hameau des Evouettes mais pas le village du Bouveret, pourtant bien plus peuplé. Un choix qui interroge.

Jacques Pilet

Quand la France et l’UE s’attaquent aux voix africaines

Nathalie Yamb est une pétroleuse capable de mettre le feu à la banquise. Elle a le bagout et la niaque des suffragettes anglaises qui défiaient les élites coloniales machistes du début du XXe siècle. Née à la Chaux-de-Fonds, d’ascendance camerounaise, elle vient d’être sanctionnée par le Conseil de l’Union européenne.

Guy Mettan
Accès libre

Les fonds cachés de l’extrémisme religieux et politique dans les Balkans

L’extrémisme violent dans les Balkans, qui menace la stabilité régionale et au-delà, n’est pas qu’idéologique. Il sert à générer des profits et est alimenté par des réseaux financiers complexes qui opèrent sous le couvert d’associations de football, d’organisations humanitaires et de sociétés actives dans la construction, l’hôtellerie ou le sport. (...)

Bon pour la tête

Le cadeau de Trump aux Suisses pour le 1er Août

Avec 39 % de taxes douanières supplémentaires sur les importations suisses, notre pays rejoint la queue de peloton. La fête nationale nous offre toutefois l’occasion de nous interroger sur notre place dans le monde. Et de rendre hommage à deux personnalités du début du 20e siècle: Albert Gobat et Carl (...)

Jean-Daniel Ruch

Gaza: interdire les mots pour mieux nier la réalité

La ministre déléguée française Aurore Berger voudrait bannir le terme de génocide pour ce qui concerne l’action du gouvernement israélien à Gaza. Comme si le monde entier ne voyait pas ce qu’il s’y passe et alors même qu’en Israël des voix dénoncent courageusement l’horreur.

Patrick Morier-Genoud

Les empires sont mortels. Celui de Trump aussi

Dans mon précédent papier, j’ai tenté de montrer comment la république impériale américaine (selon le titre d’un livre de Raymond Aron publié en 1973 déjà!) était en train de se transformer en empire autoritaire et velléitaire sous la férule Sa Majesté Trump 1er. Bonne nouvelle: les empires sont mortels et (...)

Guy Mettan