Réintégrer l’humanité à la nature

Publié le 28 mars 2025
Il existe deux clés pour ce que l'on appelle généralement la «vie humaine». La première consiste à ne pas croire au concept profondément ancré, mais absurde, du libre arbitre. La seconde, directement liée à la première, est la prise de conscience que rien – absolument rien dans le cosmos – ne peut être autre que ce qu'il est à chaque instant de l'existence. Lorsque l'on saisit véritablement ces deux idées, que peut-on faire? Etre heureux? Vivre avec soi-même? Accepter toutes les joies et les horreurs de la vie? Etre tolérant? Etre bienveillant envers les autres? Traverser la vie avec un minimum de dommages et un maximum de joie? Aimer? Ne jamais haïr? Etre enclin à la paix? Avoir une nouvelle perspective sur la mort? Eviter la folie?… Peut-être un peu de tout cela. Prenons une pelle et creusons.

Imaginez-vous marcher dans une rue animée et réaliser que rien – absolument rien… bâtiments, panneaux, personnes, chiens, esprits, corps, pensées, visages, ciel, nuages, etc. –  ne demandait à être ce qu'il est, et que rien ne pouvait être autre que ce qu'il est à cet instant. Imaginez maintenant que lorsque vous vous promenez en forêt, c'est généralement le cas. Vous regardez autour de vous, vous voyez des arbres, des plantes et des animaux, et vous êtes certain qu'aucune de ces choses ou créatures ne pourrait être autre que ce qu'elle est. Pourquoi? Parce que c'est ainsi que vous ressentez ce que vous appelez la «nature». La nature est «naturelle». Elle est ce qu'elle est, n'a pas de libre arbitre et ne pourrait – ne peut pas – être autre que ce qu'elle est. Et lorsque les parties animales de la nature agissent, elles agissent instinctivement. Toute «pensée» qui se passe dans leur esprit n'est pas «rationnelle» mais repose entièrement sur l'instinct et sur ce qui leur a été transmis au cours de millions d'années d'«évolution» ou simplement de vie. C'est certainement ce que ressentent la plupart des gens lorsqu'ils se promènent dans la nature. Pour 99,9 % des personnes que nous connaissons, la forêt est un phénomène naturel, alors que la ville (et les gens) dans laquelle on se promene ne l’est pas.
Ce qui est considéré comme «naturel» et ce qui ne l'est pas
Il nous faut maintenant marquer une pause, respirer profondément et poser une question cruciale: pourquoi l’activité humaine n’est-elle pas considérée comme faisant partie de la «nature»? Pourquoi un nid d’oiseau dans la forêt est-il naturel et une cabane en rondins ne l’est-elle pas? Pourquoi, lorsqu’un castor abat un arbre et construit un barrage sur une rivière, considère-t-on que c’est la nature à l’œuvre, alors...

Ce contenu est réservé aux abonnés

En vous abonnant, vous soutenez un média indépendant, sans publicité ni sponsor, qui refuse les récits simplistes et les oppositions binaires.

Vous accédez à du contenu exclusif :

  • Articles hebdomadaires pour décrypter l’actualité autrement

  • Masterclass approfondies avec des intervenants de haut niveau

  • Conférences en ligne thématiques, en direct ou en replay

  • Séances de questions-réponses avec les invités de nos entretiens

  • Et bien plus encore… 

Déjà abonné ? Se connecter

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Une société de privilèges n’est pas une société démocratique

Si nous bénéficions toutes et tous de privilèges, ceux-ci sont souvent masqués, voir niés. Dans son livre «Privilèges – Ce qu’il nous reste à abolir», la philosophe française Alice de Rochechouart démontre les mécanismes qui font que nos institutions ne sont pas neutres et que nos sociétés sont inégalitaires. Elle (...)

Patrick Morier-Genoud
Accès libre

L’individualisme, fondement démocratique, selon Tocqueville

Notre démocratie est en crise, comment la réinventer? Que nous enseignent ceux qui, au cours des âges, furent ses concepteurs? Pour le penseur français Alexis de Tocqueville (1805-1859), l’individualisme et l’égalisation des conditions de vie sont deux piliers essentiels de la démocratie.

Bon pour la tête

Un western philosophique où les balles sont des concepts

Le dernier livre d’Alessandro Baricco, «Abel», se déroule au Far West et son héros est un shérif tireur d’élite. Il y a bien sûr des coups de feu, des duels, des chevaux, mais c’est surtout de philosophie dont il s’agit, celle que lit Abel Crow, celle qu’il découvre lors de (...)

Patrick Morier-Genoud

«L’actualité, c’est comme la vitrine d’une grande quincaillerie…»

Pendant de nombreuses années, les lecteurs et les lectrices du «Matin Dimanche» ont eu droit, entre des éléments d’actualité et de nombreuses pages de publicité, à une chronique «décalée», celle de Christophe Gallaz. Comme un accident hebdomadaire dans une machinerie bien huilée. Aujourd’hui, les Editions Antipode publient «Au creux du (...)

Patrick Morier-Genoud

Quand Etienne Barilier débrouille les «Brouillons» de Lichtenberg

Formidable objet éditorial résultant de l’accointance éclairée des éditions Noir sur Blanc et du romancier-essaysite-traducteur-préfacier et (prodigieux) annotateur, la première intégrale en langue française des cahiers scribouillés du génial polygraphe scientifico-poétique, folle figure de sage des Lumières, apparaît, bien au-delà de ses recueils d’aphorismes, comme un «océan de pensée» fascinant (...)

Jean-Louis Kuffer

Intelligence artificielle: les non-dits

On nous annonce une révolution avec l’arrivée invasive et fulgurante de l’IA dans nos vies, nos modes d’apprentissage et de production et, surtout, la mise à disposition de l’information immédiate et «gratuite» sans effort, objet central ici. Or nous ne mesurons aucunement ce que cela signifie vraiment.

Jamal Reddani

Faire ou ne pas faire partie du vivant

La troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan (Unoc), à Nice, est porteuse de promesses. Celles-ci seront-elles tenues? On peut raisonnablement en douter. Peut-être parce que le problème est pris par le mauvais bout.

Patrick Morier-Genoud

Jouir, oui, mais de quoi?

Le marché des sextoys, comme celui de l’intelligence artificielle, est en pleine expansion. Alors que les machines réussissent mieux que nous certaines choses, faut-il s’en inquiéter ou se dire que faillir peut être un plaisir?

Patrick Morier-Genoud
Accès libre

Des insecticides hautement toxiques dans nos forêts!

Le Conseil fédéral prévoit d’assouplir la réglementation sur l’utilisation des produits chimiques et de transférer les autorisations en la matière aux cantons. Il met en avant la protection des abeilles contre le frelon asiatique. Mais même les apiculteurs s’y opposent. Les organisations environnementales et les experts tirent la sonnette d’alarme.

Bon pour la tête

Emil Cioran, une biographie en clair-obscur

Les amateurs de vertiges philosophiques connaissent l’œuvre d’Emil Cioran, auteur roumain et français. Du moins quelques-unes de ses formules ramassées et paradoxales. Il n’existait pourtant aucune biographie de ce personnage hors du commun. La voici. Signée Anca Visdei. Arrivée en Suisse, elle aussi de Roumanie, à l’âge de dix-huit ans. (...)

Jacques Pilet

Affaire Vara: telle est prise qui… Tel est pris aussi

Les vacances à Oman de la conseillère d’Etat neuchâteloise Céline Vara lui valent un tombereau de reproches. Il s’agit pourtant d’un problème purement moral qui pourrait très bien revenir en boomerang vers celles et ceux qui l’agitent. Ce billet d’humeur aurait aussi pu être titré «fétichisation des convictions politiques».

Patrick Morier-Genoud

Hannah Arendt et les parias à Paris

Au Danemark, lors d’une remise de prix, Hannah Arendt (1906-1975) déclara que, née et élevée en Allemagne, elle avait vécu ensuite huit années heureuses en France; pour éclairer cette surprenante déclaration les 500 pages du livre de Marina Touilliez ne sont pas de trop. «Parias» est un livre sur l’amitié (...)

Yves Tenret
Accès libre

Choisis la vie

La question de la liberté est fondamentale en philosophie. Elle l’est tout autant dans les textes des mythologies de par le monde et dans ceux des grandes religions. Penchons-nous sur un passage de la Torah, étudié dans la liturgie juive en cette période de l’année, qui nous guide à travers (...)

Loris Salvatore Musumeci

La tristesse et ses remèdes

La tristesse n’est étrangère à personne. Mais qu’est-elle vraiment, cette tristesse qui s’empare de nous dans les moments difficiles? Sous quelles formes se décline-t-elle? Et puis, comment la vivre? surtout, comment y remédier? Vaste sujet pour lequel nous avons appelé à l’aide le philosophe médiéval Thomas d’Aquin, qui avait profusément (...)

Loris Salvatore Musumeci

Tous les chemins mènent à l’homme, et bien plus si affinités

Dans son «Histoire des routes et de ceux qui les ont empruntées», l’écrivain-voyageur anglais Robert Macfarlane nous entraîne dans un périple fascinant à travers l’espace et le temps. Des empreintes humaines du Néolithique aux collines sous surveillance des alentours de Ramallah, «Par les chemins» conjugue savoir et poésie avec une (...)

Jean-Louis Kuffer
Accès libre

Nous ne sommes pas obligés de subir

En Oregon, un taureau s’échappe lors d’un rodéo tandis qu’à Manhattan, la doctoresse Ruth a tiré sa révérence après avoir décoincé pas mal de Romands sur la sexualité. Sinon, en Bretagne, un juge a dû se prononcer dans une affaire de glands; heureusement, il est clairvoyant. C’est dingue tout ce (...)

Patrick Morier-Genoud