Quand la peur devient une arme de gouvernement

Publié le 3 février 2018
Terrible à dire: le terrorisme peut parfois servir à certains gouvernements. Celui de Manuel Valls en a usé et abusé. La France a été cruellement victime, avec 239 morts depuis 2015. Mais le premier ministre de François Hollande, au lendemain de l’attentat de Nice, a attisé la peur en affirmant que «le terrorisme fait partie de notre quotidien», en assurant que d’autres tragédies de ce type se reproduiraient «sûrement». Cette posture, pensait-il, renforcerait son autorité.

D’autres pays, dans l’est européen, brandissent la même menace alors qu’ils n’ont jamais été touchés. En créant la psychose, ils pensent trouver l’appui populaire. Quelle victoire pour les terroristes dont le but est précisément – le mot qui les désigne l’indique – de susciter la peur pour déstabiliser nos sociétés! 
La sensibilité à un même danger bien réel varie beaucoup d’un pays à l’autre. Certains se refusent à toute peur collective durable. L’exemple le plus frappant: l’Espagne ou plus précisément la Catalogne. Les 17 et 18 août 2017, deux attentats faisaient 15 morts et 130 blessés à Barcelone. Un véhicule-bélier avait foncé sur la foule. Les auteurs sont de jeunes djihadistes islamistes nés et grandis dans cette ville. L’émotion a été grande pendant quelques jours. Puis le sujet n’a plus guère été évoqué. Sur place, aujourd’hui, personne ne semble craindre que l’horreur se répète. Les autorités ont pris quelques mesures de sécurité. C’est tout. 
Lorsque l’on pose aux Catalans la question de leur attitude face au terrorisme, face à l’immigration musulmane, on est surpris: ils n’en font pas un drame. Un journaliste local nous l’expliquait ainsi: «Avec la crise autour de l’indépendance, on a autre chose dans la tête. On ne pense pas à ça.» 
La peur n’écarte pas le danger
En France en revanche, ces deux thèmes, liés à tort ou à raison, ont dominé le débat politique pendant des années, depuis l’attentat contre Charlie-Hebdo (le 7 janvier 2015). Tout un pan de la droite et de l’extrême-droite s’en sont servis pour attaquer le gouvernement Hollande. Non sans quelques arguments: il est avéré aujourd’hui que les services de renseignements et de police ont en partie failli dans leur tâche de prévention. Mais avec la montée surprenante de Macron qui n’a guère abordé ces su...

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