Quand deux romanciers nous confrontent aux mystères de la religion

Publié le 28 avril 2023
Avec les même formidable culot, et malgré ce qui différencie, voire oppose, leurs visions respectives des tenants et aboutissants de la saga judéo-chrétienne, Metin Arditi, dans «Le bâtard de Nazareth» et Romain Debluë, avec «La Chasse au cerf», proposent chacun leur interprétation de la vie et des enseignements de Jésus et des deux mille ans de débats, conflits, bienfaits spirituels et autres méfaits temporels liés à la supposée révélation et à ses avatars historico-théologiques ou philosophico-littéraires.

Au premier regard l’on pourrait dire que nous avons là, sur la même ligne de départ éditorial, un vieux sage et un jeune fou. D’un côté, le bientôt octogénaire Arditi de grande expérience, Turc et juif séfarade d’origine mais établi en Suisse depuis sa jeunesse et qui a tout réussi en apparence (belles études scientifiques puis commerciales et, fortune faite, non moins brillante carrière littéraire dans la foulée, par ailleurs mécène et fort engagé dans les entreprises de bonne volonté), et de l’autre celui qui pourrait être son petit-fils pour l’âge, né en milieu littéraire romand (deux écrivains déjà dans la tribu Debluë) et tout en promesses personnelles, docteur en philo à moins de trente ans et signant aujourd’hui un véritable monstre d’intelligence et de porosité sensible de plus de 1'000 pages.
Plusieurs Christs, mais un seul Jésus
Le bâtard de Nazareth, selon Metin Arditi, est en somme le fruit de l’arbre juif, qui résume le message de Jésus au fameux «aime ton prochain comme toi-même», en lui ajoutant «ton lointain», comme il est prescrit dans le Lévitique, troisième des cinq livres de la Torah.
Aimer son prochain ne va pas toujours de soi, mais aimer son «lointain» est beaucoup plus difficile encore, et les docteurs de la loi en sont le meilleur exemple, qui prônent l’exclusion des enfants mamzer, comme ils appellent les bâtards, la lapidation des femmes adultères ou prostituées, stigmatisent aussi les lépreux menaçant d’affaiblir la vigueur de la tribu d’Israël autant que les miséreux de tout acabit. Sous prétexte que le Temple, symbole de la nation reconstruite au dam des païens, doit être préservé des impurs, son parvis en sera nettoyé sans inclure d'éventuels coquins marchands, et c’est ainsi que les parents de Jésus et celui-ci en seront chassés.
A précis...

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