Promenades en Romandie: à l’assaut des Alpes vaudoises

Publié le 23 juillet 2021
Un an après avoir sillonné le Valais par cols et par vaux pendant cinquante-cinq jours, il est temps de reprendre le sac à dos et de partir pour une nouvelle aventure, à travers la Suisse romande cette fois-ci. L’idée est de remonter le roestigraben de Saint-Maurice à Bâle en redescendant à Genève par les crêtes du Jura.

La Rasse – Bains de Lavey- Morcles – L’Au de Morches – Rionda- Cabane de la Tourche – 11 juillet 2021


C’est avec une grande appréhension que j’ai quitté ma maison valaisanne ce matin, tant je doute de pouvoir y arriver. 1800 mètres de montée en six heures, c’est plus que je n’ai jamais grimpé auparavant. Depuis dix jours, j’hésite à reprendre la route. Une année de plus au compteur, pas d’entraînement à cause des jours de pluie qui se succèdent sans discontinuer depuis trois semaines, un sens de l’équilibre toujours plus précaire.

Hier en testant mon équipement, je n’arrivais plus à nouer ma ceinture, à cause du ventre et des kilos repris depuis l’an dernier. Avec le sac à dos, un bon quintal à hisser aux pieds des sommets. Prenant mon courage à deux mains, j’ai finalement appelé le refuge hier soir, histoire de m’obliger à partir.

Levé à six heures, avec un brouillard encore épais et un sol mouillé par les grosses averses de la nuit. L’étape du jour, la cabane de la Tourche, d’habitude visible depuis ma fenêtre, reste cachée par la brume. Au moins l’air est frais et le soleil discret, idéal pour marcher.

A 8 heures 30, je m’élance sur le chemin du Bois-Noir qui descend aux Bains de Lavey à travers la forêt. Surprise, le sentier qui grimpe le long des falaises de Savatan et Dailly est très agréable, frais, bien tracé, pas trop caillouteux. Après une trentaine de minutes, je croise deux chamois pas vraiment effarouchés. Un bon augure. J’aime quand les animaux me souhaitent bonne route. En deux heures et demie, je suis à Morcles. Le ciel s’éclaircit et le soleil commence à percer entre les arbres. Je choisis l’itinéraire de droite, par l’Au de Morcles et Rionda, un peu plus long mais neuf pour moi et plus ombragé.

Six cent, huit cent, bientôt mille mètres: je grimpe plus vite que prévu à travers les alpages et les troupeaux de vaches brunes. A 14 heures, la faim, la soif et la fatigue sont trop fortes. Je m’arrête à l’ombre d’un mélèze.

La cabane apparaît proche maintenant. Elle me toise de l’autre côté du ravin et n’est plus qu’à deux petites heures. Encore un dernier effort sur un raidillon abrupt et voilà le belvédère de Rionda, avec ses moutons, son berger et la cabane à vingt petites minutes de marche tranquille.

Je reprends mon souffle et masse mes courbatures sur la terrasse avec une bière quand surviennent l’ancien président de Saint-Maurice et son épouse. Nous avons juste le temps de prendre l’apéro, de partager une assiette valaisanne et d’échanger les derniers potins de la vallée avant l’heure du repas, à 18 heures 30 tapantes.

Le soleil est encore haut et illumine le Mont-Blanc, qui éclate de blancheur et contraste avec la masse noire des Dents du Midi qui se découpe dans le ciel bleu. Le pire est fait. L’étape la plus pénible du parcours s’est terminée avec succès et je peux dormir tranquille.

Les grandes pensées attendront. Je m’écroule d’ailleurs sur ma paillasse comme une masse. A la réflexion, je comprends mieux pourquoi Rousseau ne prenait pas de notes quand il marchait et pourquoi Max Frisch disait qu’en montagne, on ne pouvait pas penser à autre chose qu’à la marche. L’effort physique occupe entièrement l’esprit, au point de voiler même les mots.

A suivre…

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