Monsieur Koch, vous nous avez contaminés!

Faut-il vous rappeler, Monsieur Koch, que vous avez bien mal commencé? Vous n’avez pas veillé à la nécessité, pour la Confédération et les cantons, d’avoir des réserves de masques, pourtant demandées par de nombreux rapports. Vous vous êtes moqué de savoir si nous avions, chez nous et pas en Chine, les moyens de fabriquer rapidement des tests pour tous les virus, prévisibles ou non, qui courent à travers le monde. Vos services n’ont tiré aucune leçon des épidémies antérieures alors que les Asiatiques s’en souvenaient fort bien et se préparaient. Plus récemment, vous avez longtemps traîné les pieds. Alors que l’épidémiologiste Christian Althaus vous alertait dès le 24 janvier que la pandémie allait gagner ou avait déjà gagné notre territoire, vous déclariez que «pour le moment, en Europe il n’y a pas de danger ou un très faible danger».
Puis ce fut l’affolement. Avec votre groupe d’experts, dont vous n’avez toujours pas donné les noms, vous avez foncé tête baissée vers l’option du confinement. Vous êtes-vous enquis alors des réflexions d’autres collègues, en Europe (la Suède par exemple) et en Asie qui choisissaient d’autres stratégies? Rien ne l’indique.
Et comme vous le savez, Monsieur Koch, en tant que connaisseur des maladies infectieuses, l’affolement se répand vite et fort. D’autant plus que la Confédération a mis en place un matraquage de l’information unique dans l’histoire. La radio-télévision d’Etat a martelé heure après heure, jour après jour, la vérité tombée de Berne. Les autres médias, pour la plupart, se sont emballés aussi. Tout a été fait pour que non seulement tout le monde suive les consignes – probablement raisonnables d’ailleurs – pour que personne ne s’interroge sur le fond, que personne ne demande des comptes. Tous vous ont suivi, à gauche comme à droite, juste avec quelques grognements suspects à l’UDC. Tant mieux ou tant pis. Mais cela ne donne-t-il pas à réfléchir?
A aucun moment, vous n’avez daigné comparer ou réfuter les thèses différentes défendues par vos pairs à l’étranger. Car vous voyez comme l’incarnation de la Vérité scientifique. Ce qui, par définition, est peu… scientifique.
Il n’est pas dans votre rôle de mesurer les effets économiques et sociaux des décisions prises, mais votre communication, vous en étiez maître. Votre mine, vous n’en êtes pas responsable, mais sachez qu’elle fait peur en toute circonstance… à moins qu’elle ne fasse sourire. Plus grave: vous choisissez, aujourd’hui encore, le mode affirmatif sans nuances, sans jamais laisser entrevoir le doute. Vous savez. Et il nous faut écouter bouche bée. Même lorsque vous assurez une chose et puis son contraire.
Permettez à un grand-père de vous dire qu’au chapitre des petits-enfants, vous vous êtes ridiculisé. Interdiction aux vieux de voir leurs mouflets. Puis… si, si! Vous pouvez même les embrasser. Mais attention, pas question de recevoir leurs parents! Pas question non plus de garder les chérubins. Mais qui peut vous suivre sans rire ou se fâcher? Non seulement l’idée que l’Etat règle ainsi jusque dans les détails notre vie sociale et intime constitue une violation des droits de la personne les plus élémentaires, mais de surcroît vous vous y prenez de façon chaotique.
Un mot encore sur les vieux, bien que cela ait été beaucoup dit. La discrimination des personnes âgée est intolérable. Celles-ci doivent être mis au régime général. A chacun, à chacune de prendre ses responsabilités. Être protégé, surprotégé même, en raison de son âge, est une humiliation. Une telle désignation des victimes possibles en fait, aux yeux de beaucoup, un coupable potentiel. Le risque? Il existe bien sûr. Hors même du Coronavirus, la mort rôde de plus près dans le bout du parcours. Moyenne d’âge des décès en Suisse: 83 ans. Et combien de ces malheureux seraient partis, peut-être sans, ou avec, pas forcément à cause du fameux virus?
Le seul chiffre qui donnera une véritable image du phénomène, c’est la surmortalité, calculée sur tous les décès, de cette année comparée aux dernières. Mais jamais, Monsieur Koch, vous n’avez fait la moindre tentative de replacer le drame dans son contexte. Certes, le Covi-19 n’est pas comparable à la grippe Influenza, il est plus contagieux, il vise plus les vieux que les jeunes, il est plus brutal dans ses effets. Mais l’un et l’autre virus tuent. Et parfois en grand nombre. Il n’eût pas été inutile de rappeler qu’en 2015, selon des sources officielles, 2500 personnes sont mortes de la grippe en Suisse. Non pas pour minimiser ce qui nous arrive aujourd’hui, juste pour garder le sens des proportions. Pour garder le minimum de sérénité qui s’impose dans une tourmente émotionnelle.
Mais les chiffres, Monsieur Koch, cela n’a jamais été votre fort bien que vous les brandissez sans cesse devant des journalistes peu curieux. Quand les cas de personnes infectées (et pas forcément malades) augmentaient, vous omettiez d’indiquer le nombre des tests. Plus nombreux sont ceux-ci, logiquement, plus nombreux sont les verdicts positifs. Ce qui ne veut donc pas forcément dire, lorsque la courbe monte, que la contagion s’étend. Vos archaïques bureaux pataugeaient entre de piles de fax sans savoir au juste combien les hôpitaux enregistraient de situations critiques. Quant aux EMS, c’état le brouillard quasi total. Il fallut que les cantons se mettent au travail sérieusement, que des privés mettent en place des outils logistiques performants pour que l’on commence d’y voir clair.
Le problème avec vous, Monsieur Koch, c’est que vos interventions, si elles ont pu rassurer beaucoup de gens au début, commencent à la longue à miner la confiance qui serait si nécessaire pour affronter les difficultés collectives.
Le signe le plus rassurant que vous pourriez donner, c’est l’annonce de votre retraite effective, promise pour la fin de la crise. Cela voudrait dire aussi que vous admettez entrer dans la catégorie de ceux que vous appelez «à risques». Risques si nombreux… Celui du virus certes, mais aussi celui de s’enfermer dans les schémas-fétiches que l’on a tant rabâchés. Personne n’en est à l’abri, moi non plus, je vous l’accorde.
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