Publié le 27 février 2021
Ils ont pour petits noms navets, topinambours, panais, crosnes, rutabagas ou raves. Longtemps, on les a oubliés, remisés dans la cave de nos souvenirs d’une époque de disette, enfermés dans une boîte étiquetée «légumes oubliés». Mais soudain, nous nous souvenons d’eux et topinambours, panais, crosnes, scorsonère refont surface sur les étals des marchés et des supermarchés.

Rien à voir avec la modeste réapparition qui siérait à leur statut de simple légume: c’est une vague, une déferlante. Pas un magazine ou un blog culinaire qui ne vante leurs immenses mérites, «riches en vitamines», «surdotés en minéraux», «généreux en antioxydants», «très bons régulateurs du transit», «aux multiples qualités thérapeutiques», «saveurs délicates», «très nouveau chic», «respectueux du calendrier légumier», «bon pour le corps et l’esprit» (sic!) - à croire qu’ils se sont payés les services d’une attachée de presse de compétition. On est même à deux doigts du diktat: au printemps dernier, lors du premier confinement, celui qui ne faisait pas son pain lui-même n’avait rien compris à la leçon de sagesse que nous distillait le méchant virus. Cet hiver, celui qui n’a pas servi sa platée de topinambours à sa progéniture est à deux doigts de l’acte criminel pour maltraitance nutritionnelle.
Alors, je l’ai fait.
Je suis allée au marché et à un jeune maraîcher barbu, j’ai acheté des topinambours, des panais, des crosnes et de gros radis noirs. Vu le prix de mes achats, la hauteur de mes attentes a de suite atteint un niveau remarquable. A la maison, j’ai lavé, brossé, épluché, tranché, puis scrupuleusement suivi les recettes conseillées par mon journal féminin préféré. Mais voilà: je me suis prise un gros vent. Echec sur toute la ligne: les convives familiaux pour lesquels j’avais avec amour et attention préparé ces légumes oubliés-puis-retrouvés n’ont pas fini leur assiette et m’ont fait jurer de ne plus leur servir ces choses amères, ternes et bourratives. De mon côté, j’ai mis trois jours à les digérer. Depuis, j’ai tout entendu: que je n’avais pas les bonnes recettes, que mon estomac doit s’habituer, tout comme mon palais, que la santé a un prix — gustatif autan...

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