Fini les petites voitures, place aux véhicules tout-terrain!

Publié le 21 février 2025
Sur nos routes et dans nos parkings, les petites voitures citadines disparaissent peu à peu au profit des 4x4 et autres mastodontes, pourtant encombrants et peu adaptés à la ville. Quant à celles qui perdurent, elles ont vu leur prix exploser. Explications.

Marco Diener, article publié sur Infosperber le 14 février 2025, traduit et adapté par Bon pour la tête


La gamme de véhicules tout-terrain de Volkswagen est impressionnante. Elle comprenait jusqu’à aujourd’hui huit modèles: Taigo, T-Cross, T-Roc, Tiguan, Tiguan Allspace, ID.4, ID.5 et Tuareg, auxquels VW vient d’ajouter le Tayron. Les petites voitures? VW ne s’y intéresse plus. La Lupo, qui consommait trois litres de diesel aux 100 kilomètres, n’existe plus depuis 2005. La Fox, qui lui a succédé, a été abandonnée en 2011 et la Up en 2023.

Chez Volkswagen, il n’y a plus qu’un seul modèle qui mérite à peu près le nom de voiture citadine: la Polo. A sa sortie, il y a 50 ans, la Polo pesait 700 kilos et mesurait 3,55 mètres de long; aujourd’hui, elle pèse quasiment le double et mesure un demi-mètre de plus. Sa largeur a également augmenté de 20 centimètres pour atteindre 176 cm. Elle est plus grande et plus lourde que la Golf de l’époque.

Toutes disparues en cinq ans!

Les petites voitures sont en train de disparaître et on ne les trouve plus désormais que parmi les voitures d’occasion. Opel a arrêté la production de l’Adam et de la Karl en 2019. Ford a abandonné la Ka en 2020. Chez Skoda, les dernières Citigo sont sorties des chaînes de production mi-2021. Au même moment, Seat a arrêté la production du modèle jumeau Mii. Début 2022, c’était au tour de la Citroën C1 de tirer sa révérence. La même année, Peugeot a cessé la production de la 108 et, l’année suivante, Ford a mis la Fiesta à la retraite. En mars dernier, c’était au tour de la Smart Fortwo de tirer sa révérence. En fait, la Smart existe toujours mais elle vient de Chine, mesure 1,80 mètre de plus et pèse une tonne de plus qu’avant. Elle coûte désormais près de 35 000 francs.

Nous avons tenté de nous renseigner auprès de VW, le plus important constructeur sur le marché suisse avec une part de marché de 10 %, afin de comprendre pourquoi le groupe ne construisait plus de petites voitures, mais il nous n’avons reçu aucune réponse.

Faible marge, faible profit

Selon notre enquête, l’explication tiendrait en quelques mots: les marges et les bénéfices des petits véhicules sont plus faibles que ceux des gros. En effet, les exigences en matière de sécurité sont de plus en plus strictes, même pour les voitures de moindre taille. Concrètement, depuis le 7 juillet de l’année dernière, les véhicules nouvellement immatriculés doivent être équipés de divers dispositifs de sécurité: assistance au freinage d’urgence, alerte de franchissement involontaire de ligne, régulateur de vitesse, détecteur de fatigue, aide au recul, boîte noire et protection contre les chocs à la tête. De plus, ces systèmes doivent être conçus de manière à ne pas pouvoir être désactivés de manière permanente. En d’autres termes, ils doivent s’activer automatiquement à chaque redémarrage.

Les réglementations sur les émissions polluantes posent également problème. L’UE renforce actuellement la norme Euro 6 sur les émissions polluantes, jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle norme Euro 7 prévue fin 2026. Elle ne réglementera pas seulement la quantité de gaz d’échappement autorisée mais aussi l’usure des pneus et des freins. Un porte-parole de Volkswagen a d’ailleurs confirmé au journal allemand Bild que la décision d’arrêter la production des voitures citadines était prévisionnelle et en lien avec la future norme d’émission Euro 7.

Pour VW, les coûts liés aux améliorations nécessaires en matière de sécurité et de pollution sont manifestement trop élevés.

Six véhicules tout-terrain parmi les huit plus vendus

D’autres petits véhicules s’apprêtent encore à disparaître. Parmi eux: l’Audi A1, la Mitsubishi Space-Star et la Renault Twingo. La Suzuki Ignis et la Suzuki Jimny, elles, continueront certes à être produites mais ne seront plus commercialisées en Europe car  elles «ne répondent plus aux exigences de sécurité», explique le constructeur. Divers médias rapportent par ailleurs que la fin de ces deux modèles est également due aux réglementations sur les émissions de gaz d’échappement.

Dans le même temps, les véhicules tout-terrain, eux, poursuivent leur marche triomphale – ou plutôt les pseudo-véhicules tout-terrain. Cela se voit non seulement dans la gamme de modèles de VW mentionnée plus haut, mais aussi dans les statistiques de vente. L’année dernière, la Tesla Y et la Skoda Octavia étaient en tête des ventes, suivies de près par six véhicules tout-terrain: le VW Tiguan, la Mercedes GLC, la BMW X1, l’Audi Q3, la Skoda Karoq et la Skoda Kodiaq. Les constructeurs, importateurs et concessionnaires gagnent ainsi beaucoup d’argent. En Suisse, les acheteurs paient désormais en moyenne plus de 50 000 francs pour une voiture neuve. Volkswagen préfère dès lors construire des véhicules tout-terrain: le nouveau modèle Tayron mesure 4,80 mètres de long et pèse deux tonnes et demie à pleine charge.

Les véhicules tout-terrain ont pourtant de nombreux inconvénients: trop longs et trop larges, ils sont encombrants, surtout en ville où les places de parc sont de plus en plus étroites. On explique difficilement, dès lors, les raisons de leur succès auprès des acheteurs. Ceux-ci souhaitent-ils vraiment conduire des mastodontes? Ou est-ce l’offre qui influence la demande?

Petites mais de plus en plus chères

Pour autant qu’elles existent encore, les petites voitures deviennent également plus coûteuses. L’ADAC (Allgemeiner Deutscher Automobil-Club) l’a démontré en prenant l’exemple de la Hyundai i10. En septembre 2022, elle coûtait encore 11 410 euros en Allemagne. Peu de temps après, sa commercialisation a été arrêtée. A l’été 2023, elle est revenue sur le marché allemand avec un design légèrement rafraîchi au prix 15 990 euros. Aujourd’hui, elle coûte 16 990 euros.

D’autres constructeurs produisent encore des petites voitures, mais souvent uniquement à propulsion électrique, ce qui fait également augmenter leur prix. En outre, les infrastructures publiques de recharge en Suisse restent insuffisantes: 15 000 stations de recharge, alors que le parc automobile compte environ 210 000 voitures électriques et plus de 100 000 hybrides rechargeables.


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