Publié le 17 novembre 2023

Bucha (Ukraine) après le retrait des troupes russes, en avril 2022. – © КМДА, Олексій Самсонов – source officielle

Le site de notre consœur Amèle Debey, L’Impertinent, publie un entretien surprenant avec Bernard Wicht, expert en stratégie militaire et privat-docent à la Faculté des sciences politiques de l'Université de Lausanne. Sa lecture froide des changements géostratégiques que provoquent les guerres d’Ukraine et du Moyen-Orient heurte les idées reçues.

«L’Europe et les Etats-Unis étaient déjà bien « empêtrés » avec l’Ukraine, où ils ont montré toute leur faiblesse dans cette affaire. Et voilà un deuxième front encore plus complexe et délicat. De mon point de vue – et je fais ici uniquement une analyse stratégique – cette attaque est soutenue par l’Iran et fixe encore plus à l’Est la puissance américaine et l’Europe avec.» Wicht voit un avenir particulièrement sombre pour le Vieux-Continent fatigué. En raison du coût des guerres mais aussi des répercussions d’une autre qui ne dit pas son nom, celle des flux migratoires incontrôlables, de l’emprise des narcos sur certains Etats (comme la Belgique et les Pays-Bas), des tensions montantes dans les banlieues des grandes villes. Le déclin de ce qui fut l’empire occidental le surprend par son accélération.

Mais dans l’immédiat, c’est l’émergence de deux fronts qui le frappe le plus. Entre l’axe Etats-Unis-Europe et l’alliance de fait entre la Russie, l’Iran et la Chine. Les Américains agissent par procuration à travers les Ukrainiens, éprouvés jusque dans leur démographie, à travers les Israéliens pour tenter de maintenir leur influence dans la région, alors que celle-ci s’effrite avec les velléités d’indépendance des pays arabes. Les Iraniens de leur côté tirent des ficelles dans l’ombre, avec l’appui au Hamas et le lien avec le Hezbollah libanais.

Pour Wicht, le grand gagnant, pour l’heure, est Poutine. Il tient bon en Ukraine, fait durer la guerre face à un pouvoir qui le veut aussi mais commence à se diviser. Le conflit entraînant des coûts astronomiques pour les Occidentaux, les Européens particulièrement, lourdement pénalisés dans leur économie par la coupure du gaz russe, remplacé à grand prix. Quant à la guerre entre Israël et Gaza, elle a aussi des coûts énormes. On peut le lire ailleurs. Le site économique américain Bloomberg révèle que le gouvernement Netanyahou dépense pour cela 260 millions de dollars par jour, soit plus de 8 milliards en un mois, la somme que les USA lui apportent d’ordinaire en un an.

Il arrivera un moment où les deux guerres devront cesser, faute de moyens financiers… et de combattants.


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