Les cadeaux de Genève à la Chine

L’institution, créée en 2011, compte neuf collaborateurs, dont trois de Chine et payés par elle, et trois bénéficiaires de bourse. Coût de fonctionnement: un million de francs, dont 300’000 à la charge de Pékin. Le reste, c’est cadeau. Sans compter l’emplacement prestigieux mis à disposition sans frais. Son directeur, Basile Zimmermann, maître de recherches, plaide, dans une interview à l’Agefi, pour ce partenariat sino-helvétique, sous la double houlette de l’Université de Genève et de l’Université Renmin à Pékin.
Cet attelage curieux, sans équivalent avec d’autres pays, pose évidemment la question de l’indépendance des travaux. Explications: «Légalement, le dernier mot appartient à la Suisse (…) Mais il s’agit aussi d’une tactique où les deux côtés sont respectés, grâce à un droit de veto. On a commencé d’égal à égal avec eux et demain, les Chinois seront plus forts que nous. Préparons-nous alors pour les 30 prochaines années (…) On traite parfois les Chinois par du mépris et de la peur. Alors qu’on pourrait aussi les féliciter pour leurs succès, se taire et demander ce dont ils ont besoin pour résoudre les problèmes qui subsistent dans leur pays.» Cet ambassadeur informel de la Chine prend ses précautions: «Nous ne faisons pas d’activisme politique. En science, on compare, on analyse, on discute. Notre réponse aux critiques, nous la faisons en étant spécialisés, en étant discrets. On communique peu sur ce que l’on fait, on se concentre sur les résultats… »
Des critiques? Il y en a eu au départ. Aujourd’hui, c’est silence radio autour de l’étrange institut sino-genevois. Les droits humains? Blaise Zimmermann botte en touche: «Le thème est souvent lié à celui des religions, qui se mélange avec le social et le politique. La religion est vue comme un «hobby» par le gouvernement chinois. Mais si les croyances prennent le dessus, alors cela pose problème. Afin d’apporter des clés de compréhension, nous avions fait inviter à Pékin le célèbre professeur d’histoire des religions de l’Université de Genève, Philippe Borgeaud.» Alors tout est bien!
On n’en revient pas de voir un responsable de l’Université se mettre ainsi au service d’une grande puissance totalitaire et expansionniste. Imaginons une compromission semblable avec la Russie… et les hauts cris!
Que l’Université de Genève s’intéresse de près à la Chine, établisse des ponts académiques, c’est tout à son honneur. Mais une telle servilité est indigne. Et pourquoi, avec l’octroi de cette somptueuse demeure, faire un tel cadeau à ce pays, alors que Français, Allemands, Italiens, Britanniques assurent à leurs frais leur présence culturelle en Suisse?
Que ces propos, de grâce, n’inquiètent pas nos amis de Pékin! L’à-plat-ventrisme helvétique leur est assuré. Ils en ont eu la confirmation avec les courbettes de notre président de la Confédération devant le grand Xi Jinping. Et ce n’est pas son parti, l’UDC, farouche défenseur de la neutralité, qui s’offusquera de ce mariage académique peu ordinaire. Il est trop occupé à mener la résistance contre l’affreuse Europe. Pas de soucis, chers Chinois. Les universitaires genevois ne sont pas près d’étudier sous un jour critique l’écrasement des idéaux démocratiques et l’expansionnisme mondial de la puissance montante du 21e siècle.
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