Le triste déclin d’un parti qui a marqué la Suisse moderne

«On s’est un peu reposé sur nos lauriers…» lâche une militante déçue ce dernier dimanche. «On a quand même fait un beau score… On a été battu faute d’alliances», se console un député non réélu. «On n’a pas su rendre lisibles nos priorités», avoue un élu renvoyé. «Nous n’avons même pas trouvé un slogan», lâche un cacique. Il eût été plus courageux de dire: nous n’avions rien à dire. Rien de clair, rien de neuf. Juste un peu de tout.
Lors de cette dernière campagne, les radicaux n’ont pas osé se positionner contre certaines dérives quasi religieuses du discours climatique, contre certaines aberrations de l’hyperféminisme et de la confusion des sexes. L’assurance-maladie unique proportionnelle aux revenus, plébiscitée dans les sondages? Ils n’y avaient jamais pensé. L’augmentation des loyers? Pas leur affaire. L’inflation des prix alimentaires, partiellement due à un étouffant duopole? Cela ne se discute même pas chez ces prétendus libéraux. Le soutien à l’économie? On a chouchouté les banques, les grands groupes… Et que les PME, les artisans, les commerçants se débrouillent. A l’heure où l’industrie licencie, proclame son souci devant les retombées de l’érosion des accords accords avec l’UE, tracas partagé par les hautes écoles et les chercheurs, sur ce terrain le PLR aurait pu se démarquer de l’UDC. Mais chut, le mot Europe est tabou.
Un personnage illustre bien ce qui est arrivé à ce parti. Pascal Broulis a passé vingt ans au gouvernement vaudois. Avec une idée fixe, louable soit, peut-être insuffisante en terme de vision politique: boucler le budget de l’Etat avec des bénéfices. Les Vaudois le savent trop bien: ils sont dans le trio de tête des cantons aux charges fiscales le plus lourdes. Broulis n’a pas une grande carrière littéraire mais il a trouvé un titre génial pour le livre qu’il a publié en 2011 L’impôt heureux. Quel baume!
24Heures a eu l’idée d’un débat (une heure et demie!) entre deux ex-conseillers d’Etat qui ont fait la paire au château pendant quinze ans et, vraisemblablement, la feront encore au Conseil des Etats cette prochaine législature. Le socialiste Pierre-Yves Maillard et le radical Broulis. C’était touchant. Un surdoué de la politique au propos énergique et son gentil assistant comptable. Ils sont très heureux de leur bilan. Posés en acteurs du «redressement du canton». N’allez pas leur rappeler que pendant toutes ces années ils n’ont rien fait pour secouer les CFF, stopper la dégradation des voies, améliorer enfin les liaisons avec Genève et Berne. Puisqu’on vous dit qu’il ont tout fait juste.
Broulis a cependant un grand sujet de fierté. Il a été le moteur du grand musée de la gare, Plateforme 10. Deux cents millions publics et privés. A en juger sur place on ne s’y bouscule pas mais au moins, c’est du concret. Quid de la demeure historique de l’Elysée au milieu de son parc extraordinaire, l’un des plus beaux de la rive lémanique où logeait le Musée de la Photo? Fidèle à sa foi étatiste, Broulis a proposé d’en agrandir les salons de réception déjà existants et d’aménager des bureaux pour quelques cadres de l’administration qui auront enfin la vue sur le lac. A noter aussi qu’une grande partie du personnel du musée y travaille encore. On s’y sent mieux que dans les sous-sols du monument culturel de la gare.
A son départ du gouvernement l’enfant de Ste-Croix qui a si bien réussi s’est trouvé un peu désemparé. Le voilà consolé par sa probable élection au Conseil des Etats. Pour quoi faire? Pour quelles priorités? Pour quels projets? Mystère. Lorsque les journalistes l’interrogent, il puise dans la corbeille insondable des lieux communs. Jamais un mot fort. Cela pourrait irriter tel ou tel. C’est précisément cette façon de faire de la politique qui, bien au-delà de sa personne, coule lentement ce grand et vieux parti. Aujourd’hui piteusement rassis.
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