Le Liban bien seul malgré les belles paroles

Publié le 11 août 2020
A peu près tous les gouvernements qui comptent autour du monde se sont entendus, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, sous l’égide des Nations unies, pour un soutien de 252 millions d’euros au petit pays martyr. Avec des injonctions au changement politique. Fort bien. Secouer une classe politicienne corrompue est une nécessité. Mais parmi les donateurs, il y a des puissances qui ont tout fait, ces dernières années, pour mettre le Liban à genoux.

La forte présence du Hezbollah pro-Iran a conduit à un front puissant: Etats-Unis, Israël et les pays arabes sunnites. L’aide des pays du Golfe s’est tarie. Les nababs richissimes ne vont plus, comme autrefois, se défouler à Beyrouth et y mener des affaires. Israël inquiet ne cesse de proférer des menaces guerrières. Et Trump en a rajouté une couche avec le bien nommé Cesar Act, une loi qui décrète de dures sanctions contre tout Etat, toute entreprise, tout individu qui commercerait avec la Syrie. Alors que les échanges entre le Liban et ce pays maudit sont indispensables, du fait même de la géographie et de l’histoire. Cette offensive affame les malheureux Syriens et ruine un peu plus l’économie libanaise. De nombreuses entreprises, à Beyrouth, visaient le marché de la reconstruction du voisin, c’en est fini. Cette bastonnade n’ébranle nullement le régime de Bachar El Assad mais plonge le Levant dans la détresse.
On a beaucoup dit, ces derniers jours, après l’élan d’émotions devant la tragédie des explosions, que le système politique libanais est la source de tous les maux. Pas sûr. Le fragile équilibre entre les divers camps religieux (dix-huit au total!), établi après la guerre civile, n’a pas dysfonctionné en soi. Les tensions subsistent mais ce ne sont pas elles qui ont mis le feu. L’incurie invraisemblable du pouvoir résulte d’abord d’un système de corruption installé du haut en bas de la société. Les ex-chefs de guerre devenus politiciens se sont soucié d’abord de favoriser les leurs, de s’enrichir, plutôt que faire fonctionner la machine nationale, d’où le désastre des services publics. L’eau qui manque, l’électricité en panne… Pour ne pas parler des écoles et des hôpitaux publics.
Emmanuel Macron rejoint les revendications «dégagistes» de la foule en colère. M...

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