La fête de Moutier confirme la déclaration d’un biophysicien allemand

Publié le 16 avril 2021
Que nos politiciens s’appuient principalement sur l’expertise de virologues et des épidémiologistes a été beaucoup critiqué. Et pour cause. Car aujourd’hui, une fête jurassienne confirme la déclaration d’un biophysicien allemand qui affirme depuis des mois que la transmission des virus du SARS-CoV-2 se fait presque toujours à l'intérieur. La transmission à l'extérieur est extrêmement rare et ne conduit jamais à des «infections groupées» (cluster).

La fête fut belle à Moutier. Il y a bientôt trois semaines, le oui vainqueur de la votation confirmait que la ville allait rejoindre le canton du Jura, quittant celui de Berne. Plusieurs milliers de Jurassiens se sont rassemblés sur la place centrale, se sont embrassés, ont trinqué, célébré l’événement, sans masques. Les réseaux sociaux se sont échauffés. Les Jurassiens ont été qualifiés de «téméraires», «d’égoïstes», et de nombreuses personnes s’apprêtaient à leur reprocher une éventuelle troisième vague et donc un prochain confinement. Mais aucun cluster n’a été déclaré, les infections restent stables, à un niveau très bas. Le ministre jurassien de la santé, Jacques Gerber, a demandé à l’OFSP d’étudier ce «miracle». Mais plutôt que de parler de miracle, il serait préférable d’écouter les chercheurs des secteurs spécifiques. Comme Gehard Scheuch qui travaille sur les aérosols depuis trente ans.

Un biophysicien allemand qui dit «stop»

Ce biophysicien allemand est l’un des principaux chercheurs sur cette question. Il a longtemps été président de l’International Aerosol Society et collabore à des projets de recherche avec l’Institut Robert Koch et l’Université de Marbourg. Et il ne mâche pas ses mots. «Conneries», «absurde», «la folie». Le Corona, dit-il, est un problème d’intérieur. «Plus il y a de vent, plus le nuage d’aérosols que vous produisez est naturellement emporté par celui-ci», explique-t-il. A ses yeux, certaines mesures ne sont carrément pas appropriées: «Je pense que les masques obligatoires à l’extérieur sont généralement un non-sens», affirme Gehard Scheuch.

Il vient de remettre une lettre ouverte au gouvernement allemand, datée du 11 avril 2021 et signée avec quatre autres médecins de la Société pour la recherche des aérosols. Certains passages sont révélateurs, notamment ce paragraphe où ils critiquent ouvertement «en tant que chercheurs sur les aérosols, nous avons dû faire l’expérience que le débat public ne reflète toujours pas l’état des connaissances scientifiques.» Ils se disent inquiets de constater que de nombreux citoyens ont des idées fausses sur le potentiel de contagion associé au virus. Ils précisent: «Quand on entend « c’est dangereux dehors », cela est dû uniquement au mesures sanitaires prises par les politiques et transmises via les médias, et il s’agit tout simplement d’une communication mensongère. Les aérosols, de très petites gouttelettes dans l’air, deviennent plus rapidement inoffensifs à l’extérieur parce qu’il y a des dérives de vent, ce qui entraîne un effet de dilution très rapide.»

Plusieurs études confirment d’ailleurs que le risque de contracter la maladie en plein air est très faible. Une étude réalisée en Chine, par exemple, indique que sur 7324 infections signalées, une seule s’est produite à l’extérieur.

La Suisse, ce pays qui confirme la thèse

A la mi-février de cette année, des milliers de gens ont célébré le carnaval à Einsiedeln. Les critiques fusaient sur les réseaux sociaux, les partisans des mesures sanitaires accusaient ces fêtards d’être responsable d’une deuxième vague. Mais aucune explosion de cas positifs n’a ensuite été constatée dans le canton de Schwytz.

La Suisse était aussi le seul pays à laisser les stations de ski ouverts, ce qui a provoqué une vague d’indignation dans toute l’Europe. Récemment, l’étude d’une équipe de physiciens du Laboratoire fédéral de recherche pour les sciences des matériaux (Empa), à Dubendorf, a conclu que l’ouverture des domaines de ski et les remontées mécaniques ne sont a priori pas problématiques.

Nombreuses, et parfois très violentes, ont aussi été les critiques à l’endroit de toutes les manifestations anti-mesures sanitaires ces derniers mois. On les a rendues responsables de la deuxième et troisième vague et ces rassemblements ont été condamnés avec véhémence par certains politiciens. Notamment à Neuchâtel, où l’organisatrice de la dernière manifestation, fin février, s’est faite critiquer parfois agressivement. Or, ni là ni ailleurs il n’a été constaté une flambée de cas positifs.

Parlons aussi des fêtes à l’extérieur de jeunes gens, dont certains ont été sanctionnés par la police. Par centaines ils se sont retrouvés sur les quais de Zürich, au centre-ville de Saint-Gall, au bord du Rhin à Bâle pour boire une bière, discuter, écouter de la musique. Or personne n’a pu affirmer que les cas positifs ont augmenté en masse à cause de ça.

Le gouvernement fédéral doit réagir aujourd’hui. Comment justifier le port de masque à l’extérieur? Comment justifier la règle des 15 personnes – et dès le 19 avril des manifestations à 100 personnes, à l’extérieur bien évidemment – puisque nous avons maintenant les preuves de l’inutilité de ces restrictions.

Qu’Alain Berset n’ait pas eu un seul mot à propos de cette préoccupation lors de la conférence de presse du 14 avril − un sujet pourtant largement traité dans la presse quelques jours auparavant − devrait nous interpeller sur la gestion de cette crise. Qui nos conseillers fédéraux écoutent-ils? Qu’est-ce qu’ils lisent? Savent-ils que la police effectue de nombreuses missions pour disperser des rassemblements, parfois même durement? La police n’a-t-elle vraiment rien de mieux à faire? N’y a-t-il donc plus de violence domestique dont il faut s’occuper, plus de féminicides et de meurtres, plus de maltraitance d’enfants, plus de trafic de drogue, plus d’infractions routières et de cambriolages, plus d’évasion fiscale, plus de criminalité?

Il est temps que le Conseil fédérale sorte de sa bulle. Si les politiciens continuent à promulguer des lois politiques plutôt que des décisions fondées sur des preuves et des faits, ils ne feront qu’alimenter l’incompréhension de beaucoup de gens et mettre leur patience à rude épreuve.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Santé

Le parlement suisse refuse de faire baisser les coûts de la santé

Chaque année, à l’annonce de l’augmentation des primes d’assurance maladie, on nous sert comme argument l’inévitable explosion des coûts de la santé. Or ce n’est pas la santé qui coûte cher, mais la maladie! Pourtant, depuis des années, une large majorité de parlementaires rejette systématiquement toute initiative en lien avec (...)

Corinne Bloch
Politique

Le déclassement géopolitique de la Suisse est-il irréversible?

Même s’il reste très aléatoire de faire des prévisions, il est légitime de se demander aujourd’hui ce que nos descendants, historiens et citoyens, penseront de nous dans 50 ans. A quoi ressemblera la Suisse dans un demi-siècle? A quoi ressembleront l’Europe, si elle n’a pas été «thermonucléarisée» entre-temps, et le (...)

Georges Martin

Une claque aux Romands… et au journalisme international

Au moment où le Conseil fédéral tente de dissuader les cantons alémaniques d’abandonner l’apprentissage du français au primaire, ces Sages ignorants lancent un signal contraire. Il est prévu, dès 2027, de couper la modeste contribution fédérale de 4 millions à la chaîne internationale TV5Monde qui diffuse des programmes francophones, suisses (...)

Jacques Pilet

Les fantasmes des chefs de guerre suisses

Il arrive que le verrou des non-dits finisse par sauter. Ainsi on apprend au détour d’une longue interview dans la NZZ que le F-35 a été choisi pas tant pour protéger notre ciel que pour aller bombarder des cibles à des centaines, des milliers de kilomètres de la Suisse. En (...)

Jacques Pilet

Quand les PTT ont privatisé leurs services les plus rentables

En 1998, la Confédération séparait en deux les activités des Postes, téléphones et télégraphes. La télécommunication, qui s’annonçait lucrative, était transférée à une société anonyme, Swisscom SA, tandis que le courrier physique, peu à peu délaissé, restait aux mains de l’Etat via La Poste. Il est utile de le savoir (...)

Patrick Morier-Genoud

L’identité numérique, miracle ou mirage?

Le 28 septembre, les Suisses se prononceront à nouveau sur l’identité numérique (e-ID). Cette fois, le Conseil fédéral revient avec une version révisée, baptisée «swiyu», présentée comme une solution étatique garantissant la souveraineté des données. Mais ce projet, déjà bien avancé, suscite des inquiétudes quant à son coût, sa gestion, (...)

Anne Voeffray

Les délires d’Apertus

Cocorico! On aimerait se joindre aux clameurs admiratives qui ont accueilli le système d’intelligence artificielle des hautes écoles fédérales, à la barbe des géants américains et chinois. Mais voilà, ce site ouvert au public il y a peu est catastrophique. Chacun peut le tester. Vous vous amuserez beaucoup. Ou alors (...)

Jacques Pilet

Tchüss Switzerland?

Pour la troisième fois en 20 ans, le canton de Zurich envisage de repousser au secondaire l’apprentissage du français à l’école. Il n’est pas le seul. De quoi faire trembler la Suisse romande qui y voit une «attaque contre le français» et «la fin de la cohésion nationale». Est-ce vraiment (...)

Corinne Bloch
Accès libre

Nos médicaments encore plus chers? La faute à Trump!

En Suisse, les médicaments sont 50 à 100 % plus coûteux que dans le reste de l’Europe. Pourtant, malgré des bénéfices records, les géants suisses de la pharmaceutique font pression sur le Conseil fédéral pour répercuter sur le marché suisse ce qu’ils risquent de perdre aux Etats-Unis en raison des (...)

Christof Leisinger

Jean-Stéphane Bron plaide pour une diplomatie «de rêve»

Plus de vingt ans après «Le Génie helvétique» (2003), puis avec l’implication politique élargie de «Cleveland contre Wall Street» (2010), le réalisateur romand aborde le genre de la série avec une maestria impressionnante. Au cœur de l’actualité, «The Deal» développe une réflexion incarnée, pure de toute idéologie partisane ou flatteuse, (...)

Jean-Louis Kuffer

Un tunnel bizarroïde à 134 millions

Dès le mois prochain, un tunnel au bout du Léman permettra de contourner le hameau des Evouettes mais pas le village du Bouveret, pourtant bien plus peuplé. Un choix qui interroge.

Jacques Pilet

Droits de douane américains: une diplomatie de carnotzet et de youtse

Le déplacement de Karin Keller-Sutter et de Guy Parmelin aux Etats-Unis, pour tenter d’infléchir la décision d’une taxe supplémentaire de 39 % pour les exportations suisses, a été un aller-retour aussi furtif qu’inutile, la honte en rabe. L’image de nos représentants à Washington, l’air perdu, penauds et bafouillants, fixe définitivement (...)

Jamal Reddani

Cachez ces mendiants que je ne saurais voir!

Après une phase que l’on dira «pédagogique», la Ville de Lausanne fait entrer en vigueur la nouvelle loi cantonale sur la mendicité. Celle-ci ne peut désormais avoir lieu que là où elle ne risque pas de déranger la bonne conscience des «braves gens».

Patrick Morier-Genoud

La Suisse ne dit pas non aux armes nucléaires

Hiroshima, qui commémorait le 6 août les 80 ans de la bombe atomique, appelle le monde à abandonner les armes nucléaires. Mais les Etats sont de moins en moins enclins à y renoncer.

Jacques Pilet

Quentin Mouron ressaisit le bruit du temps que nous vivons

Avec «La Fin de la tristesse», son onzième opus, le romancier-poète-essayiste en impose par sa formidable absorption des thèmes qui font mal en notre drôle d’époque (amours en vrille, violence sociale et domestique, confrontation des genres exacerbée, racisme latent et dérives fascisantes, méli-mélo des idéologies déconnectées, confusion mondialisée, etc.) et (...)

Jean-Louis Kuffer

Trouver le juste cap dans la tempête

La tornade qui, en Europe, s’est concentrée sur la Suisse nous laisse ébaubis. Le gros temps durera. Ou s’éclaircira, ou empirera, selon les caprices du grand manitou américain. Les plaies seront douloureuses, la solidarité nécessaire. Il s’agira surtout de définir le cap à suivre à long terme, à dix, à (...)

Jacques Pilet