Enquête sur un suicide dans la mouvance internationale lettriste

Publié le 29 novembre 2024
Dans son dernier opus, «La désinvolture est une bien belle chose», Philippe Jaenada mène une enquête sur le suicide de Jacqueline Harispe, dite Kaki, jeune femme libre, intelligente, entourée d'amis et amoureuse d'un beau soldat américain, ayant été mannequin chez Dior, et qui, après une soirée arrosée, à l’aube du 28 novembre 1953, à l’âge de 20 ans, s’est jetée par la fenêtre d’un hôtel et s’est écrasée sur un trottoir. Un petit morceau de culotte noire sur la balustrade l’attestant, son amant, l’ancien GI américain, Boris Grgurevich, a tenté de la retenir.

Kaki passait l’essentiel de son existence Chez Moineau, rue du Four, à Paris, un bar minuscule et sale mais où il fait chaud et où la mère Moineau cuisine bien. Attirés par la soupe, le vin pas cher et le poêle, des jeunes gens, nés au début des années 1930, se retrouvent dans les années 1950, à 16 ou 17 ans, dans ce petit refuge. Plus de famille, ou alors des parents absents, pas d'argent, peu d'amour et là, ils boivent, rient, jouent, traînent, s’engueulent, rêvent, s’aiment. En 1956, un photographe néerlandais Ed van der Elsken publie un album, Love on the left bank sur ce lieu et sur cette jeunesse insolente et rebelle qui cherche à échapper à la société et à toutes ses fausses valeurs.
Les moineaux volent, couchent les uns avec les autres, font la manche, vivent d’arnaques, montent de temps en temps un scandale, un projet, genre brailler en chaire à Notre-Dame de Paris déguisé en Dominicain ou projeter de détruire la tour Eiffel à coup d’explosifs. Parfois, ils sont arrêtés, les filles, pour être redressées, envoyées en centres d’observation, les garçons, pour être embastillés.
Chez les moineaux, les étudiants et les artistes, tous ceux qui travaillaient étaient mal vu, dit Vali Myers.
Kaki, son histoire
L’origine de la déprime de Kaki, qui mène à sa mort, est à chercher dans une toute petite bêtise, une histoire de bracelet, qui lui a valu un séjour en maison de redressement puis à la prison de Fresnes, geôle dont elle ressort changée. Son père, membre de la Cagoule, condamné à mort en 1948 pour trahison, est décédé en prison; sa mère était une alcoolique.
Le 4 avril 1950, Henriette, 75 ans, sa grand-mère, est convoquée au commissariat: Kaki, 16 ans, a été arrêtée pour vol et recel d’objets de valeur. Le juge l’envoi à Chevilly. Arrivée là-bas, elle refuse de raco...

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