Au Portugal, les logements abondent mais une maison sur dix est vide

Publié le 11 avril 2020
Il y a une grave crise du logement à Lisbonne, et de plus en plus de résidents s'indignent du nombre de maisons vides même si le Portugal est en tête de liste des pays ayant le plus fort ratio de logements par rapport au nombre d'habitants. Depuis cette année, l'exécutif présidé par le socialiste António Costa a lancé un nouveau type de location. Extraits.

D’abord les données: l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) classe le Portugal en tête des pays pour le plus grand nombre de logements par habitant. Le Portugal compterait plus de 5,8 millions de logements; étant donné qu’il est peuplé d’un peu plus de 10 millions de personnes, on conclut qu’il y a en moyenne 577 habitations pour 1000 habitants. Dans ce classement, le Portugal est suivi par la Bulgarie et l’Espagne.

Concernant le nombre gigantesque de maisons habitables, plus de 735’000 biens immobiliers – 12,5% du total – sont vides. Mais malgré cette situation qui paraît réjouissante, le Portugal connaît actuellement une grave crise immobilière.

L’essor moment économique que connaît le pays a entraîné une hausse du prix de l’habitat à des niveaux très élevés à Lisbonne et à Porto depuis quelques années. Les familles portugaises de la classe moyenne ont beaucoup de mal à vivre dans leurs villes. Les professionnels de l’éducation, par exemple, n’ont plus la possibilité de loger dans ces villes parce que le montant du loyer représente un part trop importante de leur salaire.

En réaction à cette situation, le Portugal a mis en place depuis janvier ce que l’on appelle le droit réel au logement permanent, c’est-à-dire des contrats de location à vie. Le décret-loi a été approuvé par le gouvernement socialiste il y a presque un an, mais il n’est entré en vigueur que cette année. La règle reconnaît le droit de résider à vie dans le logement d’une autre personne par la signature d’un contrat entre le propriétaire et le locataire, avec le versement d’un acompte initial de 10 à 20% de la valeur du logement, ainsi qu’une prestation mensuelle.

Cette prestation sera actualisée en fonction de l’inflation et le locataire est la seule des deux parties qui a la capacité de rompre le contrat. Dans ce cas, le locataire peut récupérer tout ou partie du dépôt initial en fonction du temps écoulé depuis la signature du contrat. Si le locataire ne rompt pas le contrat, celui-ci prendra fin à son décès, sans transfert à ses descendants.

Les réactions n’ont pas tardé à fuser, et elles sont toutes négatives. Les locataires critiquent le système qui transforme les locataires en banquiers des propriétaires. «En fin de compte, si le locataire doit renoncer à l’appartement, la caution n’est pas restituée», explique Romão Lavandinho, président de l’Association des locataires de Lisbonne. «Le locataire finance le propriétaire», ajoute-t-il.

Les questions que beaucoup de gens se posent sont les suivantes: Que se passera-t-il si quelqu’un signe un contrat à vie avec une personne inconnue et que l’affaire tourne mal? Qu’adviendra-t-il si le locataire se révèle insolvable? Qu’arrivera-t-il si un conflit important intervient entre propriétaire et locataire vivant sous le même toit et que la cohabitation devient impossible? Sans doute les tribunaux portugais auront des cas épineux à régler avec cette nouvelle loi.

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