Assassiné en 1987, Thomas Sankara, «le Che» africain, n’est pas mort

Publié le 29 novembre 2024
Le mois dernier à Niamey, la junte au pouvoir remplaçait un monument colonial par une plaque à l’effigie du capitaine Thomas Sankara. Anti-impérialiste, écologiste et féministe convaincu, l’ancien président du Burkina Faso continue de fasciner. Son discours historique du 4 octobre 1984 à la tribune des Nations-Unies électrise toujours la jeunesse africaine et inspire une nouvelle génération de leaders africains. Au point qu’il est impossible de comprendre l’Afrique de l’Ouest aujourd’hui sans se référer à l’idéologie sankariste.

«A bas l’impérialisme, à bas le néocolonialisme, à bas le racisme, à bas le fantochisme!», s’insurgeait le capitaine Thomas Sankara, leader de la Révolution démocratique et populaire du Burkina Faso dans les années 1980 et partisan d’une transformation radicale de la société africaine. Des slogans qui sont aussi ceux des nouveaux leaders africains qui, ces dernières années, ont pris le pouvoir par la force au Mali, au Burkina Faso et au Niger, renversant des gouvernements devenus impopulaires en raison de leur incapacité à lutter contre la menace djihadiste et de leur coopération trop étroite avec la France.
Une France à laquelle ces pays s’efforcent désormais de tourner le dos: après avoir expulsé les troupes françaises de la région et réduit les relations diplomatiques avec Paris, des rues et des monuments évoquant l’ancienne puissance coloniale sont renommés, comme ce fut le cas le mois dernier dans la capitale nigérienne. Le monument dédié aux victimes des deux guerres mondiales a ainsi été rebaptisé «Bubandey Batama» («à nos morts» en langue djerma) en hommage aux victimes de la colonisation; la place de la Francophonie est devenue la place de l’Alliance-des-Etats-du-Sahel; et l’avenue Charles de Gaulle est désormais celle de Djibo Bakary, figure de la lutte pour l’indépendance du pays dans les années 50.
Un capital de sympathie hors du commun
On pourrait s’étonner, toutefois, de voir la place Parfait-Louis Monteil, du nom d’un officier et explorateur français de la fin du XIXème siècle, prendre le nom d’un ancien président, celui d’un Etat voisin de surcroît. Preuve que Thomas Sankara, qui accéda au pouvoir en 1983 grâce à un coup d’Etat militaire en Haute-Volta – qu’il rebaptisa Burkina Faso («le pays des hommes intègres» en langues dioula et moré) – est aujourd’...

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