Amherd, encore un vote sur de nouveaux avions

Ce jeudi 16 mai 2019, Viola Amherd présentait l’option du Conseil fédéral concernant l’achat de nouveaux avions de combat. La cheffe du DDPS se distingue de son prédécesseur Ueli Maurer par la modestie de sa position: ni plus ni moins de six milliards seront soumis au vote populaire pour le renouvellement de l’armée aérienne. Trop peu, clame le camp bourgeois, les experts affirmant que les 40 unités préconisées récemment par Claude Nicollier ne peuvent être atteints sans un budget plus conséquent. Une absurdité selon la gauche, qui s’inquiète d’un vote lors duquel les Suisses ne savent même pas quels types d’avions ni combien sont prévus à l’achat au moment où la question leur est posée s’ils en veulent ou non.
Une vision anachronique
Prenons un peu de hauteur. Des avions de combat qui seront ou américains, ou européens, et dont on ne connaît pas le nombre? Un coût de huit milliards? Est-ce trop, pas assez? L’affaire est si loin des préoccupations populaires. Si éloignée des réalités quotidiennes. Des avions de combat, que la droite de notre parlement idolâtre et dont la gauche veut éviter au maximum l’achat; ce ne sont au fond que des querelles politiciennes sentant le roussi. Le roussi? Oui, car une donnée essentielle semble toujours évacuée des discussions: sommes-nous bien branchés à notre époque?
Dans sa Note conjointe sur Monsieur Descartes et la philosophie cartésienne, publiée en 1914, Charles Péguy nous avertissait: «Se mettre en avance, se mettre en retard, quelles inexactitudes. Être à l’heure, la seule exactitude». Voilà une phrase qui en vaut mille. Voilà une sentence que j’aime à citer et qui, par conséquent, commence à lasser mes amis. Voyez la vérité qu’elle exprime: il s’agit pour l’être humain, et en particulier pour celui qui réfléchit – peut-être le politique – de se mettre à l’heure. La question qui devrait préexister à tout débat budgétaire sur l’achat de nouveaux avions, comme lors de la discussion stérile de 2014, devrait être la suivante: qu’est-ce qui motive l’acquisition de ces derniers? Et une seconde interrogation apparaît droit après: cet investissement conséquent est-il en mesure de répondre aux défis qui nous attendent?
À ces deux questions, force est de constater que le discours politique peine à apporter des réponses claires, ne serait-ce que contrastées. Surveiller notre ciel, c’est bien. Mais une guerre aérienne, qui y croit? On parle ici d’armements classiques pour des guerres classiques. Ce qui semble déjà inquiéter la NZZ. Nos élus et nos dirigeants gagneraient à regarder en face l’éventail des possibles plutôt que l’historique des «déjà vus»; l’avenir et même le présent, mais surtout pas le passé. L’histoire, c’est bien connu, ne se répète jamais. Claude Nicollier a certes eu raison, dans son rapport qui a fait grand bruit, d’exhorter l’armée à mieux communiquer. Mais où sont justement les visionnaires de la cybersécurité, les grandes voix de la société civile et politique pour nous préparer à de nouvelles formes d’attaques?
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