Publié le 23 avril 2021

Qui paiera? Tout le monde, particuliers, PME et multinationales. – © DR

Le 25 février 2020, la Feuille fédérale a publié le texte de l’initiative fédérale pour un micro-impôt sur le trafic des paiements sans espèces, ouvrant la voie à la récolte des signatures. L’idée part d’une idée simple: dans un monde dont l’économie se dématérialise et les emplois sont concurrencés par les robots et de moins en moins liés à l’économie physique, le principe hérité de l’ère industrielle qui consiste à imposer le travail et les individus devient obsolète.

L’ampleur prise par les transactions électroniques est devenue vertigineuse et sans lien avec les besoins de la production de biens et de services. En 2017, pour un PNB mondial de l’ordre de 81’000 milliards de dollars, la dette globale atteignait 233’000 milliards (3 fois le PNB) et les produits dérivés 750’000 milliards (presque 10 fois le PNB mondial)! La plus grande opacité règne à la fois sur les montants et le nombre de ces transactions, favorisées par le trading à haute fréquence et autres outils technologiques. Quant aux opérations sur les produits dérivés, mystère et boule de gomme! La BNS observe le silence depuis 2013, année pendant laquelle le nombre de transactions interbancaires variait de 1.6 à 2 millions par jour pour des montants quotidiens de l’ordre de 500 milliards de francs. 

Une estimation prudente permet cependant d’évaluer le total de l’assiette fiscale des transactions réalisées en Suisse à 100’000 milliards de francs (150 fois le PIB national).

La microtaxe aurait donc pour effet immédiat d’apporter de la transparence dans ces échanges financiers et de les fiscaliser à un taux extrêmement bas (entre 0.01 la première année et 0.5 pour mille au maximum par la suite, le taux pouvant évoluer en fonction de l’assiette de l’année précédente) et de façon simple et peu coûteuse puisque toutes les transactions sont déjà répertoriées par les banques qui prélèvent leurs commissions sur ces échanges.

Avec un taux de 0.25 pour mille, cette solution permettrait de recueillir un volume de recettes fiscales suffisant pour supprimer à la fois la TVA (23 milliards en 2018), l’IFD (22.4 milliards) et le droit de timbre (2.1 milliards), le surplus éventuel pouvant être affecté à la transition écologique et à la lutte contre le réchauffement climatique par exemple.

Le micro-impôt s’appliquerait à toutes les opérations financières, quelles qu’elles soient, de l’achat du café matinal à la vente d’une maison, de la perception du salaire aux opérations boursières, pour toutes les entreprises et particuliers domiciliés en Suisse. Mais son taux très bas, bien inférieur à la commission payée sur une carte de crédit par exemple, et sa facilité de perception (plus besoin de déclaration TVA ou d’IDFD) le rendent très compétitif tout en préservant l’équité (les petits revenus et les PME sont davantage pénalisés par une TVA à 7,7 % que par une microtaxe à 0.5 pour mille) et la neutralité fiscale (le micro-impôt est destiné à remplacer des impôts existants et non à s’y rajouter).

Comme toute idée novatrice, l’idée fait peur et Avenir suisse, qui n’est pourtant pas avare de propositions tonitruantes, est déjà montée au créneau pour s’y opposer, en prétendant qu’on ne saurait pas qui paie (Réponse: tout le monde, y compris le secteur financier, et c’est bien là que le bât blesse). La BNS et les milieux financiers sont sur la réserve (sans jeu de mots), bien conscients que le système de la finance casino actuel n’est pas durable et que les évolutions en cours exigent d’anticiper la fiscalité du futur avant qu’une crise économique, sociale ou sanitaire ne nous y force. Dans un pays où les débats fiscaux durent des années, il n’est donc pas trop tôt pour ouvrir le débat.


Par souci de transparence, je mentionne que je suis membre du comité d’initiative en faveur de la microtaxe, qui a jusqu’à la fin du mois d’octobre pour réunir les 100’000 signatures requises. Le comité est formé d’anciens professionnels de la finance alémaniques, de professeurs d’université comme Marc Chesney ou Sergio Rossi, et de personnalités diverses telles que Dick Marty, Oswald Sigg ou Franco Cavalli. Plus d’information sur www.mikrosteuer.ch)

 

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Sciences & Technologies

IA générative et travail: libération ou nouvelle aliénation?

L’avènement de l’intelligence artificielle, en particulier les modèles génératifs comme ChatGPT, semble annoncer une importante transformation de l’économie mondiale. Plus en profondeur, elle questionne le sens même du travail et de notre humanité. Tour d’horizon des enjeux humains, environnementaux et éducatifs de cette révolution numérique.

Jonathan Steimer
Economie

Affrontement des puissances économiques: la stratégie silencieuse des BRICS

Alors que l’Occident continue de penser la puissance à travers les marchés financiers et les instruments monétaires, les BRICS avancent sur un autre terrain: celui des ressources, des infrastructures de marché et des circuits de financement. Sans rupture spectaculaire ni discours idéologique, ce bloc hétérogène participe à une recomposition géoéconomique (...)

Hicheme Lehmici
PolitiqueAccès libre

Pacifistes, investissez dans l’armement!

Le journal suisse alémanique «SonntagsZeitung» n’a aucun scrupule: dans sa rubrique Argent, il recommande désormais, avec un certain enthousiasme, d’acheter des actions dans le secteur de la défense… lequel contribue à la paix, selon certains financiers.

Marco Diener
Culture

Vallotton l’extrême au feu de glace

A propos de la rétrospective «Vallotton Forver» qui a lieu à Lausanne, dix ans après l’expo déjà mémorable du Grand Palais à Paris, et d’un petit livre d’une pénétrante justesse sensible de Maryline Desbiolles.

Jean-Louis Kuffer
Economie

La crise de la dette publique: de la Grèce à la France, et au-delà

La trajectoire de la Grèce, longtemps considérée comme le mauvais élève de l’Union européenne, semble aujourd’hui faire écho à celle de la France. Alors qu’Athènes tente de se relever de quinze ans de crise et d’austérité, Paris s’enlise à son tour dans une dette record et un blocage politique inédit. (...)

Jonathan Steimer
Histoire

La Suisse des années sombres, entre «défense spirituelle» et censure médiatique

En période de conflits armés, la recherche de la vérité est souvent sacrifiée au profit de l’union nationale ou de la défense des intérêts de l’Etat. Exemple en Suisse entre 1930 et 1945 où, par exemple, fut institué un régime de «liberté surveillée» des médias qui demandait au journaliste d’«être (...)

Martin Bernard
PolitiqueAccès libre

Qui a des droits et qui n’en a pas, la démocratie à géométrie variable

Les votations cantonales vaudoises en matière de droits politiques, notamment pour les résidents étrangers, soulèvent des questions allant bien au-delà des frontières cantonales et nationales. Qu’est-ce qu’une communauté? Qui a le droit d’en faire partie? Qui en est exclu? Est-ce la raison et la logique ou bien plutôt les affects (...)

Patrick Morier-Genoud
Sciences & Technologies

Quand l’innovation vous pousse à mourir

L’innovation est devenue un impératif de survie plus qu’un moteur de progrès. Aucun dirigeant n’incarne mieux cette tension qu’Elon Musk, dont l’écosystème, mêlant voitures, satellites, robots et IA, fonctionne comme une machine à repousser l’effondrement et où chaque avancée devient une dette envers la suivante. Un cas d’école pour comprendre (...)

Tarik Lamkarfed
Politique

Bonnes vacances à Malmö!

Les choix stratégiques des Chemins de fer fédéraux interrogent, entre une coûteuse liaison Zurich–Malmö, un désintérêt persistant pour la Suisse romande et des liaisons avec la France au point mort. Sans parler de la commande de nouvelles rames à l’étranger plutôt qu’en Suisse!

Jacques Pilet
Politique

Les BRICS futures victimes du syndrome de Babel?

Portés par le recul de l’hégémonie occidentale, les BRICS — Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud — s’imposent comme un pôle incontournable du nouvel ordre mondial. Leur montée en puissance attire un nombre croissant de candidats, portés par la dédollarisation. Mais derrière l’élan géopolitique, l’hétérogénéité du groupe révèle des (...)

Florian Demandols
SantéAccès libre

PFAS: la Confédération coupe dans la recherche au moment le plus critique

Malgré des premiers résultats alarmants sur l’exposition de la population aux substances chimiques éternelles, le Conseil fédéral a interrompu en secret les travaux préparatoires d’une étude nationale sur la santé. Une décision dictée par les économies budgétaires — au risque de laisser la Suisse dans l’angle mort scientifique.

Pascal Sigg
Culture

La France et ses jeunes: je t’aime… moi non plus

Le désir d’expatriation des jeunes Français atteint un niveau record, révélant un malaise profond. Entre désenchantement politique, difficultés économiques et quête de sens, cette génération se détourne d’un modèle national qui ne la représente plus. Chronique d’un désamour générationnel qui sent le camembert rassis et la révolution en stories.

Sarah Martin
Sciences & TechnologiesAccès libre

Les réseaux technologiques autoritaires

Une équipe de chercheurs met en lumière l’émergence d’un réseau technologique autoritaire dominé par des entreprises américaines comme Palantir. À travers une carte interactive, ils dévoilent les liens économiques et politiques qui menacent la souveraineté numérique de l’Europe.

Markus Reuter
Economie

Notre liberté rend la monnaie, pas les CFF

Coffee and snacks «are watching you»! Depuis le 6 octobre et jusqu’au 13 décembre, les restaurants des CFF, sur la ligne Bienne – Bâle, n’acceptent plus les espèces, mais uniquement les cartes ou les paiements mobiles. Le motif? Optimiser les procédures, réduire les files, améliorer l’hygiène et renforcer la sécurité. S’agit-il d’un (...)

Lena Rey
Politique

Un nouveau mur divise l’Allemagne, celui de la discorde

Quand ce pays, le plus peuplé d’Europe, est en crise (trois ans de récession), cela concerne tout son voisinage. Lorsque ses dirigeants envisagent d’entrer en guerre, il y a de quoi s’inquiéter. Et voilà qu’en plus, le président allemand parle de la démocratie de telle façon qu’il déchaîne un fiévreux (...)

Jacques Pilet
Politique

La neutralité fantôme de la Suisse

En 1996, la Suisse signait avec l’OTAN le Partenariat pour la paix, en infraction à sa Constitution: ni le Parlement ni le peuple ne furent consultés! Ce document, mensongèrement présenté comme une simple «offre politique», impose à notre pays des obligations militaires et diplomatiques le contraignant à aligner sa politique (...)

Arnaud Dotézac