Le casse-tête du Ministère public dure depuis 1851

Publié le 2 mars 2021
Les turbulences autour du choix d’un nouveau procureur général de la Confédération en attestent: cette autorité était mal conçue dès le départ. Hans-Ulrich Jost, professeur émérite d’histoire à l’Université de Lausanne, a expliqué à nos confrères d'«Infosperber» le cheminement de ce poste aux pannes successives.

Par Hans-Ulrich Jost
traduit de l'allemand

Des abus, des procédures infructueuses, un procureur fédéral qui ne prend pas la vérité au sérieux et qui doit finalement démissionner sous la pression massive: voilà comment le Ministère public de la Confédération a fait parler de lui en 2020.
A première vue, on pourrait penser qu'il s'agit d'une affaire spécifique dont le procureur général Michael Lauber est le principal responsable. Cependant, un regard sur l'histoire montre que le Ministère public de la Confédération a été mal conçu dès ses débuts, tant ses compétences, ses relations avec le Conseil fédéral et le Parlement que ses liens avec la police fédérale et le Tribunal fédéral n'étant pas clairement définis. 
L’institution fut ainsi contestée dès sa création. Elle rappelait trop les polices politiques des Etats monarchiques de l’époque. En outre, sa double fonction de ministère public et de police des étrangers contredisait le principe de la séparation des pouvoirs, ce d'autant que l'indépendance dont elle jouissait face au Conseil fédéral qui nommait ses responsables n’était pas clairement définie.
Le premier procureur général de la Confédération fut désigné en 1851 et quitta son poste un an plus tard. Son successeur, Jakob Amiet, fit de même en 1856. Frustré, il se plaignait du manque de travail et d’autres désagréments. Ensuite, pendant de nombreuses années, la fonction ne fut plus dotée que de cas en cas.
Une surveillance politique excessive
L’institution fut renforcée en 1889 suite à une pression étrangère. Le Conseil fédéral avait ordonné l'expulsion d'un informateur de police utilisé contre des émigrés socialistes allemands. Le chancelier impérial Bismarck, très en colère, avait alors menacé la Suisse de sanctions sévères. Afin de se conformer à ses exigences...

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