Peintres de la vie moderne

Publié le 3 mars 2021

Manet, Olympia (1863), huile sur toile.

Avant que d’être le poète scandaleux des «Fleurs du Mal», Charles Baudelaire, dont on célèbre cette année le bicentenaire, a beaucoup écrit sur l’art. Durant toute sa vie, il n’a jamais cessé de fréquenter les ateliers. Comme plus tard Guillaume Apollinaire, grand admirateur de Picasso, qui fit beaucoup pour la reconnaissance du cubisme, Baudelaire s’employa avec une égale passion à imposer les peintres de son temps, Delacroix, Courbet, Manet. Et de se faire à travers eux le chantre d’une nouvelle manière de voir, d’une nouvelle façon d’appréhender ce qu’il appelle «l’héroïsme de la vie moderne.»

Baudelaire a vingt-quatre ans quand il donne son premier Salon. C’est-à-dire le compte rendu détaillé de la grande exposition annuelle des artistes choisis par l’Académie – c’est en réaction à cette sélection officielle que verra le jour par la suite, comme on le sait, le Salon des Indépendants et bien d’autres encore. Depuis Diderot, à l’origine de l’exercice et qui en a fait un véritable genre littéraire, nombreux sont les écrivains à publier leurs Salons: Stendhal en fait paraître trois, consacrés aux expositions de 1822, 1824 et 1827, Gauthier, que Baudelaire admire, en publie neuf, s’étendant de 1833 à 1842. Rien d’étonnant dès lors que le jeune littérateur s’y essaie à son tour. Son Salon de 1845 sera suivi de ceux de 1846 et de 1859. A quoi on peut ajouter trois textes traitant de la section beaux-arts de l’Exposition universelle de 1855. 

Pour Baudelaire, c’est l’occasion d’exposer ses vues esthétiques tout en défendant les artistes qu’il révère. A commencer par Eugène Delacroix qu’il a découvert très tôt, à dix-sept ans. Déambulant dans la galerie des Batailles du château de Versailles, une œuvre retint plus particulièrement son attention, la Bataille de Taillebourg. Dès avant sa rencontre avec Delacroix, vraisemblablement en 1846, il a acquis plusieurs lithographies de la série Hamlet. Le jeune écrivain est alors en quête d’un art neuf. Et le peintre qui présente au salon de 1845 sa toile intitulée Dernières paroles de l’empereur Marc-Aurèle est bien prêt de représenter cet idéal. «Tableau splendide, magnifique, sublime, incompris»,...

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