La délivrance des étudiants, un cauchemar pour les loups de Wall Street

Publié le 1 juillet 2019
Les entreprises américaines spécialisées en gestion de prêts étudiants voient d’un mauvais œil les propositions de plusieurs candidats à la présidence de 2020, qui souhaitent s’attaquer à leur juteux gagne-pain, révèle «The Intercept».

«La dette étudiante, c’est vraiment une condamnation à vie». Comme Haley Walters, qui s’exprimait récemment auprès de l’AFP, des millions de jeunes Américains entament leur vie professionnelle sous une envahissante épée de Damoclès. Selon les statistiques, la dette estudiantine s’élèverait à 1,6 trilliard de dollars et concernerait 71% des diplômés, soit 45 millions d’Américains. Les sociétés privées de prêts qui s’enrichissent sur le dos des étudiants pratiquent des taux élevés d’intérêts que les emprunteurs n’ont pas assez d’une vie entière pour rembourser. Un problème majeur que plusieurs candidats démocrates à la présidence de 2020 souhaitent empoigner à bras le corps.

La sénatrice Elizabeth Warren a notamment proposé d’alléger la dette des foyers les plus pauvres. Bernie Sanders a, quant à lui, évoqué l’idée d’effacer purement et simplement tous les montants contractés. L’idée de supprimer les frais de scolarité a également été mentionnée, ce qui semble difficile à envisager compte tenu du fonctionnement des prestigieuses universités de l’Ivy League depuis des dizaines d’années. Cependant, les directeurs des principales sociétés privées de prêts étudiants sont inquiets de voir leur juteux business menacé.

En mai, lors d’une conférence organisée à Londres par la banque Barclays, des experts financiers ont interrogé Steven McGarry, un cadre de Sallie Mae (ponte des sociétés de prêts cotée en bourse) sur la question, alors que ce dernier s’était lancé dans une présentation des raisons pour lesquelles son entreprise comptait bien dominer le business des prêts étudiants. S’il a refusé de nommer le candidat dont la proposition l’effrayait le plus, McGarry a admis que la gratuité de l’éducation «pourrait vraiment nuire à notre business model». Ajoutant cependant que le gouvernement fédéral n’est pas prêt à remplacer les créanciers privés, et que même si les universités étaient gratuites, le coût de la vie d’étudiant rend peu probable la chute prochaine de sa société.

Du côté de Navient (société spécialisée dans la gestion et le recouvrement des prêts), on a peur que la «politisation des services de prêts étudiants» fasse du tort à ses perspectives financières.

Interrogé par un analyste financier lors d’une conférence en avril dernier, le patron de Discover Financial Services (société spécialisée dans les cartes de crédit) a préféré jouer la carte du scepticisme: «Je ne m’avancerai pas à déduire quoi que ce soit des propositions démocrates pour l’instant. On a encore le temps avant que quiconque soit élu et qu’une loi soit mise en place». Il a ajouté que le business des prêts se portait toujours aussi bien. Selon The Intercept, les autres sociétés de prêts restent discrètes pour l’instant, mais non pas inactives, préférant tout miser sur le lobbying pour s’assurer de la pérennité de leur commerce.

Bienvenue au pays du cynisme décomplexé.


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