Amherd, encore un vote sur de nouveaux avions

Publié le 18 mai 2019

Des avions de combat qui seront ou américains, ou européens, et dont on ne connaît pas le nombre? – © Wikimedia CC 2.0 / Rama

Il y a une vingtaine de jours, nous évoquions l’affaire du lance-mines «Cobra» en nous demandant si Viola Amherd allait y mettre de l’ordre. Voilà que la conseillère fédérale PDC a annoncé ce jeudi une stratégie sur les nouveaux avions de combat qui déçoit la droite et fait frémir la gauche. Passée la question des avions, l’armée suisse respecte-elle la «seule exactitude» du présent qu’avait décrite Charles Péguy?

Ce jeudi 16 mai 2019, Viola Amherd présentait l’option du Conseil fédéral concernant l’achat de nouveaux avions de combat. La cheffe du DDPS se distingue de son prédécesseur Ueli Maurer par la modestie de sa position: ni plus ni moins de six milliards seront soumis au vote populaire pour le renouvellement de l’armée aérienne. Trop peu, clame le camp bourgeois, les experts affirmant que les 40 unités préconisées récemment par Claude Nicollier ne peuvent être atteints sans un budget plus conséquent. Une absurdité selon la gauche, qui s’inquiète d’un vote lors duquel les Suisses ne savent même pas quels types d’avions ni combien sont prévus à l’achat au moment où la question leur est posée s’ils en veulent ou non.

Une vision anachronique

Prenons un peu de hauteur. Des avions de combat qui seront ou américains, ou européens, et dont on ne connaît pas le nombre? Un coût de huit milliards? Est-ce trop, pas assez? L’affaire est si loin des préoccupations populaires. Si éloignée des réalités quotidiennes. Des avions de combat, que la droite de notre parlement idolâtre et dont la gauche veut éviter au maximum l’achat; ce ne sont au fond que des querelles politiciennes sentant le roussi. Le roussi? Oui, car une donnée essentielle semble toujours évacuée des discussions: sommes-nous bien branchés à notre époque?

Dans sa Note conjointe sur Monsieur Descartes et la philosophie cartésienne, publiée en 1914, Charles Péguy nous avertissait: «Se mettre en avance, se mettre en retard, quelles inexactitudes. Être à l’heure, la seule exactitude». Voilà une phrase qui en vaut mille. Voilà une sentence que j’aime à citer et qui, par conséquent, commence à lasser mes amis. Voyez la vérité qu’elle exprime: il s’agit pour l’être humain, et en particulier pour celui qui réfléchit – peut-être le politique – de se mettre à l’heure. La question qui devrait préexister à tout débat budgétaire sur l’achat de nouveaux avions, comme lors de la discussion stérile de 2014, devrait être la suivante: qu’est-ce qui motive l’acquisition de ces derniers? Et une seconde interrogation apparaît droit après: cet investissement conséquent est-il en mesure de répondre aux défis qui nous attendent?

À ces deux questions, force est de constater que le discours politique peine à apporter des réponses claires, ne serait-ce que contrastées. Surveiller notre ciel, c’est bien. Mais une guerre aérienne, qui y croit? On parle ici d’armements classiques pour des guerres classiques. Ce qui semble déjà inquiéter la NZZ. Nos élus et nos dirigeants gagneraient à regarder en face l’éventail des possibles plutôt que l’historique des «déjà vus»; l’avenir et même le présent, mais surtout pas le passé. L’histoire, c’est bien connu, ne se répète jamais. Claude Nicollier a certes eu raison, dans son rapport qui a fait grand bruit, d’exhorter l’armée à mieux communiquer. Mais où sont justement les visionnaires de la cybersécurité, les grandes voix de la société civile et politique pour nous préparer à de nouvelles formes d’attaques?

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Histoire

80 ans de l’ONU: le multilatéralisme à l’épreuve de l’ère algorithmique

L’Organisation des Nations unies affronte un double défi: restaurer la confiance entre Etats et encadrer une intelligence artificielle qui recompose les rapports de pouvoir. Une équation inédite dans l’histoire du multilatéralisme. La gouvernance technologique est aujourd’hui un champ de coopération — ou de fracture — décisif pour l’avenir de l’ordre (...)

Igor Balanovski
Sciences & TechnologiesAccès libre

Les réseaux technologiques autoritaires

Une équipe de chercheurs met en lumière l’émergence d’un réseau technologique autoritaire dominé par des entreprises américaines comme Palantir. À travers une carte interactive, ils dévoilent les liens économiques et politiques qui menacent la souveraineté numérique de l’Europe.

Markus Reuter
Politique

Un nouveau mur divise l’Allemagne, celui de la discorde

Quand ce pays, le plus peuplé d’Europe, est en crise (trois ans de récession), cela concerne tout son voisinage. Lorsque ses dirigeants envisagent d’entrer en guerre, il y a de quoi s’inquiéter. Et voilà qu’en plus, le président allemand parle de la démocratie de telle façon qu’il déchaîne un fiévreux (...)

Jacques Pilet
Politique

Et si l’on renversait la carte du monde!

Nos cartes traditionnelles, avec le nord en haut et le sud en bas, offrent un point de vue arbitraire et distordu qui a façonné notre vision du monde: l’Afrique, par exemple, est en réalité bien plus grande qu’on ne le perçoit. Repenser la carte du globe, c’est interroger notre perception (...)

Guy Mettan
Politique

En Afrique, à quoi servent (encore) les élections?

Des scrutins sans surprise, des Constitutions taillées sur mesure, des opposants muselés: la démocratie africaine tourne à la farce, soutenue ou tolérée par des alliés occidentaux soucieux de préserver leurs intérêts. Au grand dam des populations, notamment des jeunes.

Catherine Morand
Economie

Où mène la concentration folle de la richesse?

On peut être atterré ou amusé par les débats enflammés du Parlement français autour du budget. Il tarde à empoigner le chapitre des économies si nécessaires mais multiplie les taxes de toutes sortes. Faire payer les riches! Le choc des idéologies. Et si l’on considérait froidement, avec recul, les effets (...)

Jacques Pilet
Sciences & Technologies

La neutralité suisse à l’épreuve du numérique

Face à la domination technologique des grandes puissances et à la militarisation de l’intelligence artificielle, la neutralité des Etats ne repose plus sur la simple abstention militaire : dépendants numériquement, ils perdent de fait leur souveraineté. Pour la Suisse, rester neutre impliquerait dès lors une véritable indépendance numérique.

Hicheme Lehmici
Sciences & Technologies

Identité numérique: souveraineté promise, réalité compromise?

Le 28 septembre 2025, la Suisse a donné – de justesse – son feu vert à la nouvelle identité numérique étatique baptisée «swiyu». Présentée par le Conseil fédéral comme garantissant la souveraineté des données, cette e-ID suscite pourtant de vives inquiétudes et laisse planner la crainte de copinages et pots (...)

Lena Rey
Politique

Les poisons qui minent la démocratie

L’actuel chaos politique français donne un triste aperçu des maux qui menacent la démocratie: querelles partisanes, déconnexion avec les citoyens, manque de réflexion et de courage, stratégies de diversion, tensions… Il est prévisible que le trouble débouchera, tôt ou tard, sous une forme ou une autre, vers des pouvoirs autoritaires.

Jacques Pilet
Santé

Le parlement suisse refuse de faire baisser les coûts de la santé

Chaque année, à l’annonce de l’augmentation des primes d’assurance maladie, on nous sert comme argument l’inévitable explosion des coûts de la santé. Or ce n’est pas la santé qui coûte cher, mais la maladie! Pourtant, depuis des années, une large majorité de parlementaires rejette systématiquement toute initiative en lien avec (...)

Corinne Bloch
Politique

A confondre le verbe et l’action, on risque de se planter

De tout temps, dans la galerie des puissants, il y eut les taiseux obstinés et les bavards virevoltants. Donald Trump fait mieux. Il se veut le sorcier qui touille dans la marmite brûlante de ses colères et de ses désirs. Il en jaillit toutes sortes de bizarreries. L’occasion de s’interroger: (...)

Jacques Pilet
Philosophie

Notre dernière édition avant la fusion

Dès le vendredi 3 octobre, vous retrouverez les articles de «Bon pour la tête» sur un nouveau site que nous créons avec nos amis d’«Antithèse». Un nouveau site et de nouveaux contenus mais toujours la même foi dans le débat d’idées, l’indépendance d’esprit, la liberté de penser.

Bon pour la tête
Philosophie

Une société de privilèges n’est pas une société démocratique

Si nous bénéficions toutes et tous de privilèges, ceux-ci sont souvent masqués, voir niés. Dans son livre «Privilèges – Ce qu’il nous reste à abolir», la philosophe française Alice de Rochechouart démontre les mécanismes qui font que nos institutions ne sont pas neutres et que nos sociétés sont inégalitaires. Elle (...)

Patrick Morier-Genoud
Politique

Les fantasmes des chefs de guerre suisses

Il arrive que le verrou des non-dits finisse par sauter. Ainsi on apprend au détour d’une longue interview dans la NZZ que le F-35 a été choisi pas tant pour protéger notre ciel que pour aller bombarder des cibles à des centaines, des milliers de kilomètres de la Suisse. En (...)

Jacques Pilet
PolitiqueAccès libre

PFAS: un risque invisible que la Suisse préfère ignorer

Malgré la présence avérée de substances chimiques éternelles dans les sols, l’eau, la nourriture et le sang de la population, Berne renonce à une étude nationale et reporte l’adoption de mesures contraignantes. Un choix politique qui privilégie l’économie à court terme au détriment de la santé publique.

Culture

Sorj Chalandon compatit avec les sinistrés du cœur

Après «L’enragé» et son mémorable aperçu de l’enfance vilipendée et punie, l’écrivain, ex grand reporter de Libé et forte plume du «Canard enchaîné», déploie une nouvelle chronique, à résonances personnelles, dont le protagoniste, après la rude école de la rue, partage les luttes des militants de la gauche extrême. Scénar (...)

Jean-Louis Kuffer