D’où monte le vent «souverainiste» en Europe de l’Est?

On fait valser une ribambelle d’étiquettes hâtives autour de ces trublions. A commencer par anti-UE et pro-Russes. Faux! Aucun de ces personnages ne prône la sortie du club. Pas fous, ils savent combien leur pays a encore besoin des fonds de Bruxelles. Ils savent aussi que la liberté de circuler, de voyager, de travailler ailleurs, c’est le plus beau cadeau, apprécié chez les jeunes et les vieux, dans tous les camps politiques. Mais évidemment, ces leaders d’opinion déroulent tous les reproches que l’on entend, à voix plus basse, à l’Ouest comme à l’Est. La Commission se mêle de tout, sa bureaucratie envahit l’administration des Etats. Les règles, des plus raisonnables aux plus folles, prolifèrent. Le temple de Bruxelles déborde de ses compétences. Ses comptes sont fumeux. Et en plus sa grande prêtresse pousse les membres à se surarmer. Basta!
Ce qui passe le plus mal, et pas seulement chez ces gêneurs, c’est la politique des migrations. Gros abcès là-bas comme ici. Ces ordres d’en-haut et d’ailleurs, peu suivis, devront bien être repensés un jour.
L’adhésion de l’Ukraine à l’UE? Une perspective enterrée
Ces partis ne font pas les yeux doux à Moscou comme cela est répété sans preuves. Ils souhaitent la négociation, la fin de la guerre. D’autant plus que leur territoire touche le champ du conflit. Les Européens peuvent jouer les braves à distance, mais les peuples n’ont aucune envie d’envoyer un jour leurs fils au casse-pipe. Ce n’est pas se vendre à Poutine ni à Trump que de trouver mauvaise l’idée de faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN. Et pas meilleure celle d’aller à marche forcée vers son adhésion à l’UE comme le souhaite Mme von der Leyen qui menace de sanctions les Etats qui s’opposent à ses vues. Les voisins de l’enfant chéri occidental ont grands soucis. Ils voient déferler par millions de tonnes des produits agricoles déjà admis sans droits de douane ni reconnaissance des normes.
En réalité, le vote du 1er juin enterre cette perspective d’adhésion. La Hongrie et la Slovaquie disaient déjà «non». Le nouveau président polonais en plus, ça bloquera tout.
Un dimanche instructif dans la campagne polonaise
On ne comprend pas l’émergence d’une force politique à la seule lecture de ses slogans. Mieux vaut capter sur le terrain les mouvements d’humeurs, aussi irrationnels puissent-ils paraître. Quatre jeunes femmes de Varsovie, de gauche, écolos, racontent qu’elles ont passé le jour de l’élection au fin fond de la campagne polonaise, à la frontière de la Biélorussie, en quête de fleurs rares. Leur surprise fut d’y trouver de modestes villageois ayant à peu près tous voté pour le candidat d’ultra-droite. Pourquoi donc?, se sont-elles demandé. Elles ont écouté. Jeunes et vieux se plaignaient de revenus bien trop faibles. Certes, le salaire minimum été augmenté, mais dans ces contrées marginales, le chômage reste considérable, les rentes-vieillesse sont rachitiques.. C’est la grogne.
Il est vrai que la Pologne affiche une santé économique impressionnante. La recherche, la production industrielle, l’entrée en force dans la cybernétique et l’intelligence artificielle: un superchampion face à de vieux partenaires fatigués. Mais le fossé villes-campagnes reste béant. On sait depuis longtemps que le «ruissellement» de la richesse irrigue assez peu les arrière-pays. Les chiffres l’attestent, les mots aussi. Dans les couches modestes, on n’est guère impressionné par les stars de la politique internationale dans le style de l’éternel Européen Donald Tusk ou du brillantissime maire de Varsovie. Quand au café du coin on entend soudain ce nouveau venu, Karol Nawrocki, gamin des quartiers pauvres de Gdansk, footeux, copain des voyous, cela marque la différence. Sa bio plaît: il a payé ses études avec de petits boulots jusqu’à devenir professeur d’histoire.
Nos gazettes évoquent l’influence du trumpisme en Europe. Peut-être. Mais ce ne sont pas ces discours qui obsèdent le pêcheur guettant la truite dans la rivière…
Des leçons à tirer pour l’UE
Si ces nouvelles mouvances dites populistes menacent un jour le jeu démocratique, il faudra cogner. Mais leurs petits chefs en sont encore loin. Rien ne sert de leur déverser des insultes et de les frapper ici ou là d’interdits. Cela ne peut d’ailleurs que les renforcer.
En revanche, l’Union européenne a des leçons à tirer. Elle doit soutenir l’Ukraine dans sa reconstruction, mais ne doit pas forcer son adhésion. Nawrocki est convaincant lorsqu’il dit: «L’UE nous a fait de ennuis parce qu’elle juge nos tribunaux trop proches du pouvoir. Et là on veut faire entrer un pays qui n’a pas vraiment d’institutions démocratiques, qui est corrompu du bas en haut. C’est fou!»
Les capitaines du bateau, plutôt que de bomber le torse dans des postures guerrières, feraient bien de se poser quelques questions sur les vraies préoccupations populaires. S’interroger aussi sur l’impact de leurs discours tonitruants. Le moment arrive, mine de rien, où il s’agira de redéfinir quelques règles de jeu. Si l’on veut sauver la partie.
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