Hôpital d’urgence de Berlin pour le coronavirus: 90 millions pour rien

Alexander Schyska*, article publié dans sur Infosperber le 13 mars 2025. Traduit et adapté par Bon pour la tête
Des centaines de personnes se sont rassemblées le 11 mai 2020, en pleine pandémie de coronavirus, pour l’inauguration de l’hôpital d’urgence dans les halls d’exposition de Berlin: journalistes, photographes, équipes de tournage, députés et invités – même un général. Le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, s’y est montré quelques jours plus tard. Le maire de Berlin, Michael Müller (SPD), a quant à lui fièrement déclaré que d’autres villes envieraient Berlin pour ces installations.
Avec l’aide de l’armée allemande et de l’Agence fédérale allemande pour l’assistance technique, cet hôpital provisoire d’une capacité de 488 lits a été construit sur une surface de 10 901 mètres carrés. Trois kilomètres de poutres mécaniques ont été installés et 103 kilomètres de tuyaux de cuivre ont été déployés pour les conduites d’oxygène, les lignes électriques et les câbles réseau. Même s’il n’avait pas été prévu de traiter des patients nécessitant des soins intensifs ou une assistance respiratoire, des respirateurs et un appareil de tomodensitométrie ont été achetés.
Imiter les Chinois
A l’époque, les Berlinois ont manifestement voulu imiter les Chinois, chez qui des hôpitaux provisoires avaient été construits en très peu de temps. Pourtant, en mai 2020, seuls 2,5 % des plus de 20 000 lits d’hôpitaux de Berlin étaient occupés par des patients testés positifs. A la fin de la même année, ce chiffre était passé à 7,5 %.
En 2021, comme les autres hôpitaux disposaient d’un nombre suffisant de lits et que les Länder voisins comme le Brandebourg ou la Thuringe n’envoyaient pas de patients atteints de la Covid à Berlin, le «Centre de traitement de la Covid Jafféstrasse (CBZJ)» – son nom officiel – a été fermé sans tambour ni trompette. Sans qu’aucun patient n’y ait été accueilli.
Pendant la pandémie, les autorités avaient de toute évidence cédé à la panique, publiant par exemple quotidiennement le «nombre de cas». Pourtant, il était clair dès le départ que ce «nombre de cas» ne concernait que les personnes testées positives, et non les personnes malades. La plupart des personnes testées positives n’ont pas eu de symptômes ou seulement ceux d’un rhume. A l’époque, le risque d’être hospitalisé concernait principalement les personnes âgées souffrant de comorbidités.
«Une farce coûteuse»
Le chirurgien à la retraite Wolfgang Albers, membre du parti Die Linke, a décrit cette farce berlinoise et l’a commentée sur «unsere-zeit.de»: «Lors de l’inauguration, tout le monde s’était fait prendre en photo avec fierté, mais personne n’était présent lors du démontage embarrassant. Aucune conséquence n’a été tirée de cette farce qui a coûté plus de 90 millions d’euros.»
Les hôpitaux de Berlin manquent toujours des fonds nécessaires pour se protéger durablement contre les pandémies par des mesures simples telles que l’installation de sas et de cloisons dans les chambres. Interrogé sur les raisons pour lesquelles aucun fonds correspondant n’a été prévu dans le prochain budget de l’Etat, le Sénat de Berlin refuse de répondre.
* L’auteur est professeur d’allemand et d’histoire à la retraite à Berlin
Lire l’article original
À lire aussi