Brevets en oncologie: l’Europe à la traîne

Publié le 7 février 2025

© DR

Beaucoup d'idées, peu de percées: si les entreprises européennes jouent un rôle clé dans la recherche sur le cancer, une étude de l'Office européen des brevets révèle que le vieux continent risque toutefois de perdre la main, dépassé par les Etats-Unis et la Chine.

Un article de Medinside du 5 février 2025, traduit par Bon pour la tête



Nombre de familles de brevets en oncologie (IPF) de 2010 à 2021. Graphique: EPO

C’est un phénomène souvent déploré ces jours-ci: l’Europe perd du terrain face aux Etats-Unis et à la Chine. C’était le cas avec la numérisation, c’est le cas avec l’intelligence artificielle, la robotique et les voitures électriques. Mais la même chose se dessine désormais dans la recherche en oncologie: le Vieux Continent est trop lourd pour suivre le rythme.

C’est la principale conclusion d’une nouvelle étude de l’Office européen des brevets. Le titre semble encore confiant: «Les startups européennes à la pointe de la lutte contre le cancer», a annoncé l’autorité cette semaine. Mais en lisant l’étude de plus près, on a surtout constaté une tendance à la baisse.

Les États-Unis détiennent la plus grande part des nouveaux brevets sur le cancer avec 43 % – et cette part est restée stable ces dernières années. Pendant ce temps, la part de l’Europe a baissé de 18,7 pour cent (état 2012) à 12,4 pour cent (2021). Au cours de la même période, la Chine a enregistré une multiplication par quatre du nombre de brevets dans les technologies oncologiques.

Des chiffres alarmants

Le déclin de l’Europe est d’autant plus préoccupant que le continent a toujours été un acteur fort dans la recherche pharmaceutique (ou plus concrètement dans la recherche en oncologie). Il abrite encore aujourd’hui le plus grand nombre de startups dans le domaine de la recherche sur le cancer, à savoir environ 1500; aux États-Unis, ce chiffre est de 1 325. Parmi les États membres de l’Office européen des brevets, c’est la Grande-Bretagne qui arrive en tête avec 290 startups, suivie par les pays de l’UE que sont la France (246 startups) et l’Allemagne (208) ainsi que la Suisse (151).

Mais alors qu’aux États-Unis près de 40 % de ces entreprises atteignent la phase de croissance tardive, elles ne sont que 24 % à y parvenir en Europe. En outre, les startups américaines en oncologie obtiennent presque deux fois plus de brevets que les startups européennes.

«Un appel au réveil»

Entre 2015 et 2021, des technologies prometteuses comme l’immunothérapie cellulaire (+37,8 %), la thérapie génique (+31,0 %), l’analyse d’images (+19,6 %) et les biopsies liquides (+17,2 %) ont notamment enregistré des taux de croissance élevés. Et c’est justement dans ces domaines que l’Europe risque de devenir secondaire: La part européenne de nouveaux brevets dans les immunothérapies cellulaires est par exemple encore de 9,7 pour cent – donc encore plus faible que la part globale de l’Europe.

Les données sont «un appel au réveil pour le système européen d’innovation en oncologie», déclare António Campinos, président de l’Office européen des brevets: «Alors que les technologies de lutte contre le cancer évoluent rapidement et prennent des directions inattendues, l’Europe doit réagir pour conserver son avantage concurrentiel en matière d’innovation dans le domaine de la santé et pour sauver des vies. Les startups européennes dynamiques en oncologie sont une lueur d’espoir, mais elles ont besoin d’investissements et de soutien pour développer leurs inventions».


Lire l’article original

Le site Medinside en français

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Politique

Etats-Unis: le retour des anciennes doctrines impériales

Les déclarations tonitruantes suivies de reculades de Donald Trump ne sont pas des caprices, mais la stratégique, calculée, de la nouvelle politique étrangère américaine: pression sur les alliés, sanctions économiques, mise au pas des récalcitrants sud-américains.

Guy Mettan
Politique

La guerre entre esbroufe et tragédie

Une photo est parue cette semaine qui en dit long sur l’orchestration des propagandes. Zelensky et Macron, sourire aux lèvres devant un parterre de militaires, un contrat soi-disant historique en main: une intention d’achat de cent Rafale qui n’engage personne. Alors que le pouvoir ukrainien est secoué par les révélations (...)

Jacques Pilet
Politique

Les BRICS futures victimes du syndrome de Babel?

Portés par le recul de l’hégémonie occidentale, les BRICS — Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud — s’imposent comme un pôle incontournable du nouvel ordre mondial. Leur montée en puissance attire un nombre croissant de candidats, portés par la dédollarisation. Mais derrière l’élan géopolitique, l’hétérogénéité du groupe révèle des (...)

Florian Demandols
Sciences & TechnologiesAccès libre

Les réseaux technologiques autoritaires

Une équipe de chercheurs met en lumière l’émergence d’un réseau technologique autoritaire dominé par des entreprises américaines comme Palantir. À travers une carte interactive, ils dévoilent les liens économiques et politiques qui menacent la souveraineté numérique de l’Europe.

Markus Reuter
Politique

Un nouveau mur divise l’Allemagne, celui de la discorde

Quand ce pays, le plus peuplé d’Europe, est en crise (trois ans de récession), cela concerne tout son voisinage. Lorsque ses dirigeants envisagent d’entrer en guerre, il y a de quoi s’inquiéter. Et voilà qu’en plus, le président allemand parle de la démocratie de telle façon qu’il déchaîne un fiévreux (...)

Jacques Pilet
Politique

Quand la religion et le messianisme dictent la géopolitique

De Washington à Jérusalem, de Téhéran à Moscou, les dirigeants invoquent Dieu pour légitimer leurs choix stratégiques et leurs guerres. L’eschatologie, jadis reléguée aux textes sacrés ou aux marges du mysticisme, s’impose aujourd’hui comme une clé de lecture du pouvoir mondial. Le messianisme politique n’est plus une survivance du passé: (...)

Hicheme Lehmici
Politique

Vers la guerre

Alors que Moscou propose un pacte de désescalade – ignoré par l’Europe – les dirigeants occidentaux soufflent sur les braises à coup de propagande militaire pour rallumer la flamme guerrière. Mais à force de jouer avec le feu, on risque de se brûler.

Jacques Pilet
PolitiqueAccès libre

Narcotrafic, le fléau des Amériques. Et le nôtre?

L’Amérique latine paie le prix fort du commerce mondial de la drogue, alimenté par la demande occidentale. Pendant que la répression s’enlise, les mafias prospèrent, et le déni persiste jusque dans nos rues. Mais faire face à ce fléau en bombardant des bateaux au large du Venezuela, comme l’a ordonné (...)

Jacques Pilet
Politique

Les penchants suicidaires de l’Europe

Si l’escalade des sanctions contre la Russie affaiblit moins celle-ci que prévu, elle impacte les Européens. Des dégâts rarement évoqués. Quant à la course aux armements, elle est non seulement improductive – sauf pour les lobbies du secteur – mais elle se fait au détriment des citoyens. Dans d’autres domaines (...)

Jacques Pilet
Philosophie

USA–Chine: des humanismes complémentaires

Le 12 août 2025, le département d’Etat américain a publié son rapport sur les pratiques en matière de droits humains en Chine pour l’année 2024. Cinq jours plus tard, le 17 août, le Bureau d’information du Conseil d’Etat de la République populaire de Chine publiait à son tour son propre (...)

Louis Defèche
Politique

Israël-Iran: prélude d’une guerre sans retour?

Du bluff diplomatique à la guerre totale, Israël a franchi un seuil historique en attaquant l’Iran. En douze jours d’affrontements d’une intensité inédite, où la maîtrise technologique iranienne a pris de court les observateurs, le Moyen-Orient a basculé dans une ère nouvelle: celle des guerres hybrides, électroniques et globales. Ce (...)

Hicheme Lehmici
Politique

La fin de l’idéologie occidentale du développement

Le démantèlement de l’USAID par Donald Trump marque plus qu’un tournant administratif: il révèle l’épuisement d’une idée. Celle d’un développement conçu par et pour l’Occident. Après des décennies d’aides infructueuses et de dépendance, le Sud s’émancipe, tandis que la Chine impose son modèle: pragmatique, souverain et efficace.

Guy Mettan
Politique

Le déclassement géopolitique de la Suisse est-il irréversible?

Même s’il reste très aléatoire de faire des prévisions, il est légitime de se demander aujourd’hui ce que nos descendants, historiens et citoyens, penseront de nous dans 50 ans. A quoi ressemblera la Suisse dans un demi-siècle? A quoi ressembleront l’Europe, si elle n’a pas été «thermonucléarisée» entre-temps, et le (...)

Georges Martin
Sciences & TechnologiesAccès libre

Superintelligence américaine contre intelligence pratique chinoise

Alors que les États-Unis investissent des centaines de milliards dans une hypothétique superintelligence, la Chine avance pas à pas avec des applications concrètes et bon marché. Deux stratégies opposées qui pourraient décider de la domination mondiale dans l’intelligence artificielle.

Politique

Censure et propagande occidentales: apprendre à les débusquer

Les affaires encore fraîches des drones russes abattus en Pologne et du bombardement israélien au Qatar offrent de belles illustrations du fonctionnement de la machine de guerre informationnelle dans nos pays démocratiques. Il existe en effet une matrice de la propagande, avec des scénarios bien rôdés, qu’on peut voir à (...)

Guy Mettan
Politique

Coulisses et conséquences de l’agression israélienne à Doha

L’attaque contre le Qatar du 9 septembre est le cinquième acte de guerre d’Israël contre un Etat souverain en deux ans. Mais celui-ci est différent, car l’émirat est un partenaire ami de l’Occident. Et rien n’exclut que les Américains aient participé à son orchestration. Quant au droit international, même le (...)

Jean-Daniel Ruch