Le sombre tableau de l’Europe

Après la France dans la panade financière et politique, voilà que l’Allemagne dérape. Son industrie, avec ou sans Trump, est blessée au cœur. L’automobile. L’empire Volkswagen ferme des usines, licencie des dizaines de milliers de travailleurs. Et les autres, les glorieuses Mercedes, Audi et BMW battent aussi de l’aile. A cause des méchants Chinois? Certes la concurrence est rude, mais surtout faute d’innovations à temps. Faute d’avoir su coller aux nouveaux rêves. Assises sur leur prestige, ces marques ont cru à l’éternité. A l’image d’une société auto-satisfaite, aujourd’hui en désarroi. Comme en Suisse? En tout cas, elle a du souci à se faire, si étroitement liée à l’industrie d’outre-Rhin.
La crise survient au moment où le gouvernement de la République fédérale est plus faible, plus désemparé que jamais. La coalition SPD-Verts-FDP se déchire. Le ministre de l’Economie vert Habeck prône le soutien aux entreprises et à la transition écologique à coup de milliards, quitte à creuser la dette,. Celui des Finances, le libéral Lindner, s’y oppose vivement…. et vient de se faire mettre à la porte! Le chancelier socialiste Scholz n’en donne pas pour autant un cap clair. Il donne souvent l’impression de ne pas savoir trop quoi dire. Sinon sa volonté de s’accrocher au pouvoir. Tandis que la jeune ministre des Affaires étrangères, Baerbock, batifole à travers le monde avec des discours enfantins et belliqueux, anti-russe et anti-chinois. Les trois partis de la «Ampelregierung» voient les intentions de vote s’effondrer. L’opposition, la droite classique de la CDU/CSU, se frotte les mains et attend les prochaines élections.
Au malaise s’ajoute la montée d’un vaste pan de l’opinion, emmené par l’AfD, dite d’extrême droite, et le BSW de Sarah Wagenknecht. Avec des nuances entre ces formations, mais en gros pour plus de justice sociale, moins de réglementations, moins de bureaucratie, moins d’immigration, et pour cesser d’envoyer des milliards à l’Ukraine, trouver enfin une solution diplomatique. Enfin et surtout, pour retrouver la souveraineté, se débarrasser de la tutelle politique des Etats-Unis. Populisme, dit-on. Et si l’on écoutait ce camp plutôt que de diffamer sans relâche ses partisans? La leçon Trump sera-t-elle entendue en Europe?
Certes les pays du sud méditerranéen et de l’est vont mieux que les vieux piliers de l’union, gardent plus d’élan, mais c’est tout le continent qui doit revoir sa position et son ambition dans le monde. En définir les nouveaux termes tout en restant fidèles à ses idéaux, les Lumières, pas toutes éteintes, les libertés individuelles, la notion de droit international… Mais avec un peu de cohérence, en mots crédibles! Lorsqu’on s’indigne fort du débordement de la Russie sur son si proche voisin et que l’on se tait lorsque lorsque l’Etat d’Israël s’étend dans le feu incessant des bombes sur des territoires qui ne lui appartiennent pas, nos beaux discours passent mal.
Le manichéisme furibond est une arme contre l’intelligence. Trump comme les autres en feront l’expérience. La politique est un combat, mais si la colère paie un moment, une fois au pouvoir, s’impose la nécessité de la compétence. L’entourage du tribun à la casquette rouge, pas tous des allumés, pas tous des sots, pas tous des misogynes, pas tous des racistes, aura son poids. Quoi qu’on dise de son autoritarisme. Faire bondir les droits de douane, c’est prometteur, mais diablement risqué à la longue avec les ripostes d’en face. Les affaires – l’oiseau gueulard le sait! –, ont besoin d’échanges. Le dollar est concurrencé, une foison de barrières ne le renforcera pas. Celles-ci ne revitaliseront pas d’un coup les industries en crise, dans l’automobile et l’aviation (Boeing à genoux…). Les trompe-l’œil ne tarderont pas à décevoir. Surtout les foules qui ont voté ainsi en raison de la hausse des prix au supermarché. Ce ne sont pas les coups de gueule qui les feront baisser. Quant à la juste colère des femmes atteintes dans leurs droits, elle ne fera que s’amplifier.
Cela dit, pour parler de la Suisse, la guerre commerciale contre la Chine va causer bien des soucis à Parmelin et consorts, avec notre accord de libre-échange que la nouvelle Maison blanche va attaquer tôt ou tard. En matière d’ingérences – puisque c’est le mot à la mode, elle s’y connaît. Quant à la défense, certains s’en inquiètent, on ne voit pas pourquoi Trump freinerait le flirt atlantiste en cours. Il rapporte tant d’argent au lobby américain des armes.
On n’a pas fini de regarder vers Washington, bon gré mal gré. Mais si possible sans les yeux d’une Chimène asservie.
En attendant, moquons-nous de Madame von der Leyen qui demande aux familles d’emmagasiner des boîtes de conserves en vue de la guerre russe portée dans toute l’Europe. Alors que les troupes de Poutine, avec ou sans Nord-Coréens, pataugent depuis des mois pour conquérir deux-trois villages à sa frontière.
Conclusion en forme de recette: quoi qu’il arrive, tentons de rire encore. Et pleurons aussi les vraies tragédies du moment.
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