«Emmanuelle» 2024, le désir en question

Publié le 4 octobre 2024
Réinterprétation plutôt que remake, l'«Emmanuelle» d'Audrey Diwan avec Noémie Merlant surfe sur le vague souvenir du film-phénomène d'il y a 50 ans. Entre porno soft et discours féministe, ce film réimaginé à Hong Kong plutôt qu'en Thaïlande n'est pas sans intérêt. Mais son exploration d'un désir féminin enfin délivré du «male gaze» risque de ne pas convaincre grand monde.

En 1974, Emmanuelle avait le parfum du fruit défendu: une de ses affiches ne montrait-elle pas une sorte de pomme-fessier avec un serpent enroulé autour? C'était les années du déferlement érotico-porno dans les cinémas et ce film «soft» tourné par un photographe publicitaire (Just Jaeckin), qui raconte l'émancipation sexuelle de la jeune épouse d'un diplomate libertin, y aura largement contribué. Une salle parisienne le gardera plus de dix ans à l'affiche sans interruption! Un demi-siécle plus tard, on n'en est plus là. Emmanuelle 2024 est l'œuvre d'Audrey Diwan, une cinéaste qui prétend affranchir la sexualité féminine du regard masculin, au risque de signer un film bien peu titillant. A l'heure du grand supermarché pornographique sur Internet, son attrait ne saurait de tout façon plus être le même. 
Lion d'Or mérité à Venise il y a trois ans avec L'Evénement, d'après Annie Ernaux, Diwan n'a cette année même pas été invitée hors compétition à la Mostra. Une claque. Finalement, Emmanuelle a atterri en ouverture du moins prestigieux Festival de San Sebastian. Chez nous, son distributeur alémanique (Ascot Elite, héritiers de l'empire du pornographe Erwin C. Dietrich) n'a pas jugé bon d'y convier la presse. Alors, ratage sans appel, ou plutôt source d'inévitables malentendus que ce remake? S'il y avait certainement mieux à faire, la tentative reste intrigante, pour peu qu'on ait une indulgence pour ce genre décrié entre tous qu'est le cinéma érotique.
Froideur contre moiteurs
J'avouerai pour ma part une certaine nostalgie coupable, étant encore passé par là dans ma jeunesse.  Sylvia Kristel a laissé d'agréables impressions dans mon esprit tandis que les mélodies de Pierre Bachelet trottent encore facilement dans ma tête. Par contre, «l'éducation» d'Emmanuelle par le vieux ...

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