Serbie: élections dans une démocratie à deux vitesses

Publié le 22 décembre 2023
Alors que 55% des Serbes ont voté ce dimanche 17 décembre, les résultats semblent excessivement favoriser le Président Vučić et son parti SNS. Une réalité historique et sociologique plus profonde permet de mieux comprendre d'où viennent ces résultats, et ce qu'ils dessinent à l'horizon.

En survolant la presse occidentale qui couvre l'événement, on comprend que les élections parlementaires anticipées qui se sont déroulées en Serbie cimentent l'autocratique Aleksandar Vučić et son parti SNS. On parle de subversion, d'électeurs de province amenés par bus dans la capitale pour déposer des bulletins en faveur du SNS, d'intimidations des observateurs indépendants, parfois même de violences à l'encontre d'opposants.
Associé à la victoire écrasante du SNS avec 47% des votes contre 23% pour «La Serbie sans violence» à la deuxième place, le narratif est facile à dérouler: en Serbie la démocratie parlementaire est sous le contrôle d'un dictateur, l'opposition est muselée, rien ne fonctionne hors du parti au pouvoir. Ce qui est à la fois exact, et faux. C'est exact car il est indéniable que Vučić est assis sur le pouvoir comme aucun leader politique serbe ne l'a jamais été, peut-être même plus que Milosevic, voire que Tito. Il est exact aussi que l'opposition est privée de plateforme, qu'elle est continuellement vilipendée, que son temps de parole est limité – Vučić a selon certaines estimations 40% du temps médiatique pour lui – que toutes les municipalités, les institutions et les entreprises d'Etat sont dans sa poche, bref, que le processus démocratique ne fonctionne pas.
Pourtant, le calendrier électoral ainsi que les résultats de ce dimanche racontent une histoire bien différente. Premier ministre depuis 2014 puis Président depuis 2017, un visage poupin, lippu, mal à l'aise dans son 1,99 mètre, la tête toujours penchée de côté comme un diacre, ce Belgradois de 53 ans est un animal politique de notre temps. Comme beaucoup de leaders politiques actuels, Macron ou Orbán, et avant eux David Cameron ou le hollandais Rutte, il compense son absence de charisme et d'...

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