Izïa: la violence politique en chanson, une vieille histoire

Publié le 21 juillet 2023
C’est le beuze de ce mois de juillet. La rockeuse Izïa Higelin est poursuivie par le Parquet de Nice pour «provocation publique à commettre un crime ou un délit». En l’occurence, le lynchage virtuel sur scène d'Emmanuel Macron. Naguère, chansons et provoc’ politique firent souvent bon ménage. Mais aujourd’hui nous avons le cuir plus fragile.

Jeudi 6 juillet, la fille du très regretté Jacques Higelin donne un concert de rock du genre musclé au Festival Les Nuits Guitare à Beaulieu-sur-Mer, petite ville située à un jet de décibels de Nice. Entre deux morceaux – histoire de tenir son public sous courant continu et de laisser ses musiciens souffler un brin –, elle entame des monologues plus ou moins délirants.
Celui qu’elle a lancé ce soir-là fera son petit effet. Se glissant dans la peau du président Macron, elle vaticine: «Je pense que ce que le peuple veut, ce dont le peuple a envie, c'est qu'on m'accroche à vingt mètres du sol telle une piñata1 humaine géante, et qu'on soit tous ici présents munis d'énormes battes avec des clous au bout comme dans Clockwork Orange (titre original du film Orange mécanique). Et là, on le ferait descendre, mais avec toute la grâce et la gentillesse que les gens du Sud ont. On aurait tous notre batte avec nos petits clous, et dans un feu de Bengale de joie, de chair vive et de sang, on le foutrait à terre, mais gentiment tu vois…»
L’objet du délit
Les fans d’Izïa Higelin ont bien rigolé. Mais d’autres spectateurs, sans doute moins habitués aux folies de la scène rock, ont aussitôt alerté la gendarmerie qui a déplacé quelques-uns de ses militaires pour interpeler la rockeuse. En vain, elle avait déjà plié bagage avec ses musicos. Toutefois, le procureur de la République de Nice a diligenté contre Izïa une enquête préalable qu’il a confiée aux gendarmes du lieu. A la suite du scandale, la mairie de Marcq-en-Barœul a décidé d’annuler le concert qu’Izïa Higelin devait donner dans cette ville du nord de la France, la veille du 14-juillet. Aussitôt hérissées sur les réseaux sociaux, les protestations indignées semblaient voir dans ce récitatif lyncheur la marque de notre époque vouée...

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