A la chinoise. En version soft

Publié le 16 septembre 2022
Ainsi donc pour s’assurer que nos logements ne seront pas chauffés à plus de 19 degrés cet hiver, le Conseil fédéral s’essaie à la méthode chinoise. Avec de doucereuses précautions. Il explique qu’il s’agirait d’une atteinte à la loi sur l’approvisionnement du pays. Le Conseiller fédéral Parmelin explique, patelin: «La Suisse n’est pas un Etat policier. Mais il pourra y avoir des contrôles ponctuels.»

En clair, la police pourra frapper à votre porte, entrer, mesurer la température et en cas de dépassement de la norme porter plainte pénale. Non pas une amende d’ordre comme lorsqu’on reste trop longtemps sur une place de parking sans payer, non, une convocation chez le juge. A la chinoise! Mais tout gentiment… Peines financières et même de prison (jusqu’à trois ans!) à la clé.

A première vue, cela ne paraît pas trop effrayant. Les cantons à qui incomberont ces contrôles traîneront les pieds. Les magistrats estimeront sans doute qu’ils ont mieux à faire que de punir les frileux. Mais le principe donne à réfléchir. Fortes de leur expérience lors de la crise sanitaire, les autorités se permettent une surveillance des particuliers autrefois impensable.

Intéressante aussi la manière d’éclipser le débat. Des allumés ont diffusé sur les réseaux sociaux une fausse info selon laquelle les délateurs de leurs voisins trop chauffés seraient récompensés. Tollé, indignation dans les médias contre ce bidonnage. Mais aucun espace pour qui voit, en toute sérénité, dans ces «contrôles ponctuels» un pas de plus dans l’atteinte à la sphère privée. Au fait qui s’en inquiète? Pas grand monde. Les parlementaires hochent du bonnet dès que l’on invoque le prétendu bien commun. Ils en on pris l’habitude pendant la crise sanitaire.

Cette gronderie du pouvoir, quelque peu absurde, n’est qu’une façon de cacher son désarroi face au problème de fond. Le Conseil fédéral se montre totalement désemparé sur la question énergétique. A la différence de nos voisins, aucune réserve de gaz n’a été prévue dans le pays. Le marché de l’électricité est laissé à des opérateurs aux méthodes opaques. Certains prévoient des hausses de tarifs hallucinantes, d’autres paraissent plus raisonnables. Les uns mendient des milliards d’aide, les autres s’en passent. Trop facile d’affirmer que ce casse-tête n’est dû qu’à la guerre en Ukraine, comme le répète Mme Sommaruga. C’est tout l’édifice de l’approvisionnement qui est depuis belle lurette à vau-l’eau. Les augmentations de prix annoncées mettront nombre d’entreprises en graves difficultés sinon en faillite. Les autorités, à tous les niveaux, le savent. Mais elles se gardent de dire comment elles entendent agir plus globalement. Sinon en nous recommandant des pulls bien chauds.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Santé

Le parlement suisse refuse de faire baisser les coûts de la santé

Chaque année, à l’annonce de l’augmentation des primes d’assurance maladie, on nous sert comme argument l’inévitable explosion des coûts de la santé. Or ce n’est pas la santé qui coûte cher, mais la maladie! Pourtant, depuis des années, une large majorité de parlementaires rejette systématiquement toute initiative en lien avec (...)

Corinne Bloch
Politique

Le déclassement géopolitique de la Suisse est-il irréversible?

Même s’il reste très aléatoire de faire des prévisions, il est légitime de se demander aujourd’hui ce que nos descendants, historiens et citoyens, penseront de nous dans 50 ans. A quoi ressemblera la Suisse dans un demi-siècle? A quoi ressembleront l’Europe, si elle n’a pas été «thermonucléarisée» entre-temps, et le (...)

Georges Martin

Une claque aux Romands… et au journalisme international

Au moment où le Conseil fédéral tente de dissuader les cantons alémaniques d’abandonner l’apprentissage du français au primaire, ces Sages ignorants lancent un signal contraire. Il est prévu, dès 2027, de couper la modeste contribution fédérale de 4 millions à la chaîne internationale TV5Monde qui diffuse des programmes francophones, suisses (...)

Jacques Pilet

Une société de privilèges n’est pas une société démocratique

Si nous bénéficions toutes et tous de privilèges, ceux-ci sont souvent masqués, voir niés. Dans son livre «Privilèges – Ce qu’il nous reste à abolir», la philosophe française Alice de Rochechouart démontre les mécanismes qui font que nos institutions ne sont pas neutres et que nos sociétés sont inégalitaires. Elle (...)

Patrick Morier-Genoud

Les fantasmes des chefs de guerre suisses

Il arrive que le verrou des non-dits finisse par sauter. Ainsi on apprend au détour d’une longue interview dans la NZZ que le F-35 a été choisi pas tant pour protéger notre ciel que pour aller bombarder des cibles à des centaines, des milliers de kilomètres de la Suisse. En (...)

Jacques Pilet

Quand les PTT ont privatisé leurs services les plus rentables

En 1998, la Confédération séparait en deux les activités des Postes, téléphones et télégraphes. La télécommunication, qui s’annonçait lucrative, était transférée à une société anonyme, Swisscom SA, tandis que le courrier physique, peu à peu délaissé, restait aux mains de l’Etat via La Poste. Il est utile de le savoir (...)

Patrick Morier-Genoud

Sorj Chalandon compatit avec les sinistrés du cœur

Après «L’enragé» et son mémorable aperçu de l’enfance vilipendée et punie, l’écrivain, ex grand reporter de Libé et forte plume du «Canard enchaîné», déploie une nouvelle chronique, à résonances personnelles, dont le protagoniste, après la rude école de la rue, partage les luttes des militants de la gauche extrême. Scénar (...)

Jean-Louis Kuffer

L’identité numérique, miracle ou mirage?

Le 28 septembre, les Suisses se prononceront à nouveau sur l’identité numérique (e-ID). Cette fois, le Conseil fédéral revient avec une version révisée, baptisée «swiyu», présentée comme une solution étatique garantissant la souveraineté des données. Mais ce projet, déjà bien avancé, suscite des inquiétudes quant à son coût, sa gestion, (...)

Anne Voeffray

Les délires d’Apertus

Cocorico! On aimerait se joindre aux clameurs admiratives qui ont accueilli le système d’intelligence artificielle des hautes écoles fédérales, à la barbe des géants américains et chinois. Mais voilà, ce site ouvert au public il y a peu est catastrophique. Chacun peut le tester. Vous vous amuserez beaucoup. Ou alors (...)

Jacques Pilet

Démocratie en panne, colère en marche

En France, ce n’est pas tant le tourniquet des premiers ministres et la détestation de Macron qui inquiètent, c’est le fossé qui se creuse entre la société et le cirque politicien, avec son jeu d’ambitions qui paralyse le pays. Le tableau n’est guère plus réjouissant en Allemagne, en Grande-Bretagne, en (...)

Jacques Pilet

Tchüss Switzerland?

Pour la troisième fois en 20 ans, le canton de Zurich envisage de repousser au secondaire l’apprentissage du français à l’école. Il n’est pas le seul. De quoi faire trembler la Suisse romande qui y voit une «attaque contre le français» et «la fin de la cohésion nationale». Est-ce vraiment (...)

Corinne Bloch
Accès libre

Nos médicaments encore plus chers? La faute à Trump!

En Suisse, les médicaments sont 50 à 100 % plus coûteux que dans le reste de l’Europe. Pourtant, malgré des bénéfices records, les géants suisses de la pharmaceutique font pression sur le Conseil fédéral pour répercuter sur le marché suisse ce qu’ils risquent de perdre aux Etats-Unis en raison des (...)

Christof Leisinger

USA out, Europe down, Sud global in

Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai et les célébrations qui se sont tenus en Chine cette semaine témoignent d’un nouveau monde. L’Europe n’en fait pas partie. A force de pusillanimité, d’incompétence géopolitique et à trop jouer la carte américaine, elle a fini par tout perdre. Pourtant, elle persévère (...)

Guy Mettan
Accès libre

L’individualisme, fondement démocratique, selon Tocqueville

Notre démocratie est en crise, comment la réinventer? Que nous enseignent ceux qui, au cours des âges, furent ses concepteurs? Pour le penseur français Alexis de Tocqueville (1805-1859), l’individualisme et l’égalisation des conditions de vie sont deux piliers essentiels de la démocratie.

Bon pour la tête
Accès libre

La politique étrangère hongroise à la croisée des chemins

Pour la première fois en 15 ans, Viktor Orban est confronté à la possibilité de perdre le pouvoir, le parti d’opposition de Peter Magyar étant en tête dans les sondages. Le résultat pourrait remodeler la politique étrangère de la Hongrie, avec des implications directes pour l’Union européenne.

Bon pour la tête

Jean-Stéphane Bron plaide pour une diplomatie «de rêve»

Plus de vingt ans après «Le Génie helvétique» (2003), puis avec l’implication politique élargie de «Cleveland contre Wall Street» (2010), le réalisateur romand aborde le genre de la série avec une maestria impressionnante. Au cœur de l’actualité, «The Deal» développe une réflexion incarnée, pure de toute idéologie partisane ou flatteuse, (...)

Jean-Louis Kuffer