Un tableau sociologique qui se déguste avec bonheur

Publié le 5 juillet 2024

© Matthew Henry via Unsplash

L’autrice genevoise Marie Beer excelle dans l'art de camper des personnages hauts en couleur et de jouer sur les contrastes. Elle nous le prouve une nouvelle fois dans son roman «Patate chaude», récemment paru aux éditions Encre fraîche, qui raconte avec humour l’adoption contrainte et forcée d’une «Patate» batarde suite au suicide de son maître.

Le narrateur est un garçon qui a, en toutes circonstances, de la peine à trouver sa place: délaissé par sa mère, repoussé par son père, il rêve de s’associer à la vie sociale de son frère, mais s’en abstient pour ne pas l’encombrer, peine à imaginer qu’une fille puisse s’intéresser à lui et se cherche un emploi sans succès ni grande conviction. S’il vouait pour sa part une vive admiration au défunt, il a pleinement conscience que la réciproque ne s’applique pas et se demande si sa présence à l’enterrement ne relève pas de l’imposture.

Par le truchement d’une amie d’enfance qui le manipule en jouant sur la corde des sentiments, le narrateur se trouve amené à accueillir Patate, le chien du défunt, le temps de lui dégoter une famille d’adoption. Et il va se démener tout au long du roman pour refourguer Patate à quelqu’un d’autre, d’où le titre Patate chaude.

Au fil de ses recherches, on découvre ainsi que son entourage est composé d’un père égocentrique et maltraitant, d’une belle-mère dévouée et soumise, d’une mère absente qui a abandonné tout le monde pour faire carrière, d’un frère qui est une réplique atténuée du père avec néanmoins quelques bons côtés et, heureusement, d’une grand-mère attachante dont le langage donne lieu à plusieurs passionnants décryptages sémantiques, tant elle a une façon bien à elle de s’exprimer. Et il y a Diane, cette camarade d’enfance qui a donc connu le narrateur au plus près de lui-même, avant qu’il ne disparaisse...

Ce contenu est réservé aux abonnés

En vous abonnant, vous soutenez un média indépendant, sans publicité ni sponsor, qui refuse les récits simplistes et les oppositions binaires.

Vous accédez à du contenu exclusif :

  • Articles hebdomadaires pour décrypter l’actualité autrement

  • Masterclass approfondies avec des intervenants de haut niveau

  • Conférences en ligne thématiques, en direct ou en replay

  • Séances de questions-réponses avec les invités de nos entretiens

  • Et bien plus encore… 

Déjà abonné ? Se connecter

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Culture

La France et ses jeunes: je t’aime… moi non plus

Le désir d’expatriation des jeunes Français atteint un niveau record, révélant un malaise profond. Entre désenchantement politique, difficultés économiques et quête de sens, cette génération se détourne d’un modèle national qui ne la représente plus. Chronique d’un désamour générationnel qui sent le camembert rassis et la révolution en stories.

Sarah Martin
Culture

Stands de spritz et pasta instagrammable: l’Italie menacée de «foodification»

L’explosion du tourisme gourmand dans la Péninsule finira-t-elle par la transformer en un vaste «pastaland», dispensateur d’une «cucina» de pacotille? La question fait la une du «New York Times». Le débat le plus vif porte sur l’envahissement des trottoirs et des places par les terrasses de bistrots. Mais il n’y (...)

Anna Lietti
Politique

Les penchants suicidaires de l’Europe

Si l’escalade des sanctions contre la Russie affaiblit moins celle-ci que prévu, elle impacte les Européens. Des dégâts rarement évoqués. Quant à la course aux armements, elle est non seulement improductive – sauf pour les lobbies du secteur – mais elle se fait au détriment des citoyens. Dans d’autres domaines (...)

Jacques Pilet
Culture

Un selfie dans l’ascenseur

Notre obsession du selfie n’est pas purement narcissique, il s’agit aussi de documenter notre présent par le biais d’un langage devenu universel. Quant aux ascenseurs, ce sont des confessionnaux où, seuls, nous faisons face à nous-mêmes.

David Laufer
Culture

Le roman filial de Carrère filtre un amour aux yeux ouverts…

Véritable monument à la mémoire d’Hélène Carrère d’Encausse, son illustre mère, «Kolkhoze» est à la fois la saga d’une famille largement «élargie» où se mêlent origines géorgienne et française, avant la très forte accointance russe de la plus fameuse spécialiste en la matière qui, s’agissant de Poutine, reconnut qu’elle avait (...)

Jean-Louis Kuffer
Culture

Ecrivaine, éditrice et engagée pour l’Ukraine

Marta Z. Czarska est une battante. Traductrice établie à Bienne, elle a vu fondre son activité avec l’arrivée des logiciels de traduction. Elle s’est donc mise à l’écriture, puis à l’édition à la faveur de quelques rencontres amicales. Aujourd’hui, elle s’engage de surcroît pour le déminage du pays fracassé. Fête (...)

Jacques Pilet
Culture

Quand notre culture revendique le «populaire de qualité»

Du club FipFop aux mémorables albums à vignettes des firmes chocolatières NPCK, ou à ceux des éditions Silva, en passant par les pages culturelles des hebdos de la grande distribution, une forme de culture assez typiquement suisse a marqué la deuxième décennie du XXe siècle et jusque dans la relance (...)

Jean-Louis Kuffer
Culture

Quentin Mouron ressaisit le bruit du temps que nous vivons

Avec «La Fin de la tristesse», son onzième opus, le romancier-poète-essayiste en impose par sa formidable absorption des thèmes qui font mal en notre drôle d’époque (amours en vrille, violence sociale et domestique, confrontation des genres exacerbée, racisme latent et dérives fascisantes, méli-mélo des idéologies déconnectées, confusion mondialisée, etc.) et (...)

Jean-Louis Kuffer
Culture

«L’actualité, c’est comme la vitrine d’une grande quincaillerie…»

Pendant de nombreuses années, les lecteurs et les lectrices du «Matin Dimanche» ont eu droit, entre des éléments d’actualité et de nombreuses pages de publicité, à une chronique «décalée», celle de Christophe Gallaz. Comme un accident hebdomadaire dans une machinerie bien huilée. Aujourd’hui, les Editions Antipode publient «Au creux du (...)

Patrick Morier-Genoud
Culture

Du réconfort qu’apportent les grenouilles

Face à la morosité de l’actualité, les grenouilles empaillées d’Estavayer-le-Lac représentant des scènes du quotidien offrent un peu d’autodérision. Car ne sommes-nous pas tous des petits êtres qui croassent et gobent les mouches?

Jacques Pilet
PolitiqueAccès libre

Extrême droite et antiféminisme: pourquoi cette alliance séduit tant de jeunes hommes

L’antiféminisme est l’un des principaux axes de mobilisation politique de l’extrême droite et il séduit de nombreux jeunes hommes. Il s’exprime notamment sur les réseaux sociaux, à travers des discours masculinistes qui promettent de rétablir un ordre supposé naturel entre hommes et femmes.

Bon pour la tête
Sciences & Technologies

Intelligence artificielle: les non-dits

On nous annonce une révolution avec l’arrivée invasive et fulgurante de l’IA dans nos vies, nos modes d’apprentissage et de production et, surtout, la mise à disposition de l’information immédiate et «gratuite» sans effort, objet central ici. Or nous ne mesurons aucunement ce que cela signifie vraiment.

Jamal Reddani
Culture

Transidentité: tapage exagéré?

Selon le site d’information lausannois «L’impertinent», l’intérêt démesuré des médias pour la transidentité relèverait d’une stratégie.

Jacques Pilet
Culture

Quand Max Lobe dit le Bantou s’en va goûter chez Gustave Roud…

«La Danse des pères», septième opus de l’écrivain camerounais naturalisé suisse, est d’abord et avant tout une danse avec les mots, joyeuse et triste à la fois. La «chose blanche» romande saura-t-elle accueillir l’extravagant dans sa paroisse littéraire? C’est déjà fait et que ça dure! Au goûter imaginaire où le (...)

Jean-Louis Kuffer
Sciences & TechnologiesAccès libre

Combien de temps l’humanité survivrait-elle si l’on arrêtait de faire des enfants?

Suffit-il de calculer l’espérance de vie maximale d’un humain pour deviner combien de temps mettrait l’humanité à disparaître si l’on arrêtait de se reproduire? Pas si simple répond l’anthropologue américain Michael A. Little.

Bon pour la tête
Culture

Deux écrivains algériens qui ne nous parlent que de l’humain

Kamel Daoud, avec «Houris» (Prix Goncourt 2024) et Xavier Le Clerc (alias Hamid Aït-Taleb), dans «Le Pain des Français», participent à la même œuvre de salubre mémoire en sondant le douloureux passé, proche ou plus lointain, de leur pays d’origine. A l’écart des idéologies exacerbées, tous deux se réfèrent, en (...)

Jean-Louis Kuffer