Un peuple en marche pour l’exil

Publié le 11 juin 2018
Reportage exceptionnel au Venezuela où 20 ans après l’émergence d’un nouveau rêve socialiste, la population vit dans un gigantesque camp de concentration à ciel ouvert. La révolution bolivarienne a été une tromperie pour tous ceux qui espéraient une vie meilleure, disent aujourd'hui ceux-là mêmes qui l’avaient soutenue. L'argent ici ne vaut rien, à tel point qu'il ne circule même plus. Dans certains quartiers, les enfants ne vont plus à l'école, ils n'ont pas la force d'y aller avec l'estomac vide et sans vêtements. Affamer la population et la mettre à genoux ferait partie de la politique de persécution de Nicolas Maduro. Le président tout juste réélu compterait sur «la démoralisation psychologique du peuple». Troisième volet: Frontières

Il n'est pas encore 5 heures du matin et un groupe de personnes attend déjà dans l'obscurité l'ouverture du pont international Francisco de Paula Santander, qui relie Cúcuta, en Colombie, à la municipalité vénézuélienne de Pedro María Ureña, deuxième plus important point de passage entre ces deux pays.

Une douzaine de bus transporte chaque matin plus de deux mille enfants de la ville d'Ureña vers les écoles de Cúcuta. © 2018 Bon pour la tête / Domenica Canchano Warthon
Quelques minutes plus tard, un groupe de cyclistes traverse le pont, suivi par une douzaine de bus transportant dans un couloir humanitaire scolaire plus de deux mille enfants de la ville d'Ureña vers les écoles de Cúcuta. Puis d’autres personnes franchissent la frontière à pied. Parmi eux, Alonso et sa mère semblent épuisés. Dans leurs mains, ils portent des seaux très lourds; lui, sur son dos, n’a pas son cartable d’école mais un sac plein de fruits. «Ce sont des mûres à vendre», me dit-il. Je lui demande alors pourquoi il ne va pas à l'école. «Ça fait des mois que les enseignants n’y viennent plus, parce qu'ils n'étaient pas payés. Maintenant, j'aide ma mère à vendre des fruits et parfois nous apportons aussi des légumes».
Alonso: «Ça fait des mois que les enseignants ne viennent plus à l'école, parce qu'ils n'étaient pas payés. Maintenant, j'aide ma mère à vendre des fruits».
 © 2018 Bon pour la tête / Domenica Canchano Warthon
Alonso et sa mère sont partis de leur ville, Michelena, la veille au soir afin d’être parmi les premiers à traverser le pont et ainsi commencer à vendre la marchandise tôt le matin, avant qu’elle ne pourrisse au soleil. Ils ont voyagé durant la nuit dans un gros camion qui a fait halte dans plusieurs villages pour charger environ vingt-cinq personnes. Certains traverseront la...

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