Un grand avenir derrière nous

Publié le 23 juin 2023
Sorti en Italie en avril puis présenté à Cannes en compétition, «Vers un avenir radieux (Il sol dell'avvenire)» montre Nanni Moretti réalisant un film historique sur le tournant communiste de 1956. Une mise en abyme moins agile que de coutume pour une «comédie» aux accents testamentaires. Où Moretti résiste encore, mais faiblit.

Il fait des efforts méritoires, se teint les cheveux, nage ses longueurs et s'amuse encore avec un ballon de foot, mais rien n'y fait: on lit sur son visage (il ne montre plus le reste) que l'âge gagne du terrain. Bien sûr, Nanni Moretti parle toujours haut et fort, réaffirme ses goûts et principes de cinéma et fixe l'objectif sans ciller, comme par défi. Mais cette fois, la magie n'opère plus vraiment. Eh oui! On a beau être un fan, parfois il faut bien se rendre à l'évidence: nos héros vieillissent aussi. Il y a ceux qui sentent le moment de tenter autre chose ou alors d'affiner encore leur style. Pas lui. Après le mal-aimé Tre piani, qui ouvrait justement de nouveaux horizons au risque de paraître plus banal, Moretti est revenu à ses fondamentaux avec Il sol dell'avvenire. Un film de résistance qui prend plutôt le risque de paraître ringard, comme le chef des communistes français Fabien Roussel lorsqu'il proclame un retour aux «jours heureux».
Ce film arrive seulement deux ans après Tre piani, et pourtant Moretti y joue Giovanni (son vrai prénom), un cinéaste qui se plaint qu'il lui en faut cinq pour réaliser un nouveau film. Trop peu de temps devant lui, trop de projets abandonnés derrière – comme cette adaptation de la géniale nouvelle Le Nageur de John Cheever (évoquée sans même mentionner le splendide film qu'en a tiré Frank Perry avec Burt Lancaster). Celui qu'il vient de commencer à tourner le renvoie lui aussi en arrière: un film politique, avec l'arrivée d'un cirque hongrois dans un nouveau quartier de Rome en 1956, au moment du soulèvement de Budapest. Lorsque les artistes se mettent en grève pour protester contre la répression russe et que le public manifeste son mécontentement, faut-il voler à leur secours, comme le fait instinctivement Vera (Barbara Bobul...

Ce contenu est réservé aux abonnés

En vous abonnant, vous soutenez un média indépendant, sans publicité ni sponsor, qui refuse les récits simplistes et les oppositions binaires.

Vous accédez à du contenu exclusif :

  • Articles hebdomadaires pour décrypter l’actualité autrement

  • Masterclass approfondies avec des intervenants de haut niveau

  • Conférences en ligne thématiques, en direct ou en replay

  • Séances de questions-réponses avec les invités de nos entretiens

  • Et bien plus encore… 

Déjà abonné ? Se connecter

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Santé

Le parlement suisse refuse de faire baisser les coûts de la santé

Chaque année, à l’annonce de l’augmentation des primes d’assurance maladie, on nous sert comme argument l’inévitable explosion des coûts de la santé. Or ce n’est pas la santé qui coûte cher, mais la maladie! Pourtant, depuis des années, une large majorité de parlementaires rejette systématiquement toute initiative en lien avec (...)

Corinne Bloch

A Iquitos avec Claudia Cardinale

On peut l’admirer dans «Il était une fois dans l’Ouest». On peut la trouver sublime dans le «Guépard». Mais pour moi Claudia Cardinale, décédée le 23 septembre, restera toujours attachée à la ville péruvienne où j’ai assisté, par hasard et assis près d’elle, à la présentation du film «Fitzcarraldo».

Guy Mettan

Une société de privilèges n’est pas une société démocratique

Si nous bénéficions toutes et tous de privilèges, ceux-ci sont souvent masqués, voir niés. Dans son livre «Privilèges – Ce qu’il nous reste à abolir», la philosophe française Alice de Rochechouart démontre les mécanismes qui font que nos institutions ne sont pas neutres et que nos sociétés sont inégalitaires. Elle (...)

Patrick Morier-Genoud

Sorj Chalandon compatit avec les sinistrés du cœur

Après «L’enragé» et son mémorable aperçu de l’enfance vilipendée et punie, l’écrivain, ex grand reporter de Libé et forte plume du «Canard enchaîné», déploie une nouvelle chronique, à résonances personnelles, dont le protagoniste, après la rude école de la rue, partage les luttes des militants de la gauche extrême. Scénar (...)

Jean-Louis Kuffer

Démocratie en panne, colère en marche

En France, ce n’est pas tant le tourniquet des premiers ministres et la détestation de Macron qui inquiètent, c’est le fossé qui se creuse entre la société et le cirque politicien, avec son jeu d’ambitions qui paralyse le pays. Le tableau n’est guère plus réjouissant en Allemagne, en Grande-Bretagne, en (...)

Jacques Pilet

Quand notre culture revendique le «populaire de qualité»

Du club FipFop aux mémorables albums à vignettes des firmes chocolatières NPCK, ou à ceux des éditions Silva, en passant par les pages culturelles des hebdos de la grande distribution, une forme de culture assez typiquement suisse a marqué la deuxième décennie du XXe siècle et jusque dans la relance (...)

Jean-Louis Kuffer

USA out, Europe down, Sud global in

Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai et les célébrations qui se sont tenus en Chine cette semaine témoignent d’un nouveau monde. L’Europe n’en fait pas partie. A force de pusillanimité, d’incompétence géopolitique et à trop jouer la carte américaine, elle a fini par tout perdre. Pourtant, elle persévère (...)

Guy Mettan
Accès libre

La politique étrangère hongroise à la croisée des chemins

Pour la première fois en 15 ans, Viktor Orban est confronté à la possibilité de perdre le pouvoir, le parti d’opposition de Peter Magyar étant en tête dans les sondages. Le résultat pourrait remodeler la politique étrangère de la Hongrie, avec des implications directes pour l’Union européenne.

Bon pour la tête

Locarno à l’heure anglaise: de belles retrouvailles

La rétrospective «Great Expectations – Le cinéma britannique de l’après-guerre (1945-1960)» du 78e Festival de Locarno n’a pas déçu. Dans un contexte de réadaptation à une économie de paix, le caractère britannique y révèle ses qualités et faiblesses entre comédies grinçantes et récits criminels. Grands cinéastes et petits maîtres ont (...)

Norbert Creutz
Accès libre

L’individualisme, fondement démocratique, selon Tocqueville

Notre démocratie est en crise, comment la réinventer? Que nous enseignent ceux qui, au cours des âges, furent ses concepteurs? Pour le penseur français Alexis de Tocqueville (1805-1859), l’individualisme et l’égalisation des conditions de vie sont deux piliers essentiels de la démocratie.

Bon pour la tête

Jean-Stéphane Bron plaide pour une diplomatie «de rêve»

Plus de vingt ans après «Le Génie helvétique» (2003), puis avec l’implication politique élargie de «Cleveland contre Wall Street» (2010), le réalisateur romand aborde le genre de la série avec une maestria impressionnante. Au cœur de l’actualité, «The Deal» développe une réflexion incarnée, pure de toute idéologie partisane ou flatteuse, (...)

Jean-Louis Kuffer
Accès libre

Les fonds cachés de l’extrémisme religieux et politique dans les Balkans

L’extrémisme violent dans les Balkans, qui menace la stabilité régionale et au-delà, n’est pas qu’idéologique. Il sert à générer des profits et est alimenté par des réseaux financiers complexes qui opèrent sous le couvert d’associations de football, d’organisations humanitaires et de sociétés actives dans la construction, l’hôtellerie ou le sport. (...)

Bon pour la tête

Les empires sont mortels. Celui de Trump aussi

Dans mon précédent papier, j’ai tenté de montrer comment la république impériale américaine (selon le titre d’un livre de Raymond Aron publié en 1973 déjà!) était en train de se transformer en empire autoritaire et velléitaire sous la férule Sa Majesté Trump 1er. Bonne nouvelle: les empires sont mortels et (...)

Guy Mettan

Le sexe au cinéma: un siècle d’échecs

L’histoire du cinéma témoigne qu’il est souvent plus efficace de suggérer les rapports érotiques entre protagonistes plutôt que de les montrer crûment. D’autant qu’ils n’apportent souvent rien à la compréhension du scénario ni à la profondeur des personnages. Moins on en fait, plus on en dit.

David Laufer
Politique

France-Allemagne: couple en crise

De beaux discours sur leur amitié fondatrice, il y en eut tant et tant. Le rituel se poursuit. Mais en réalité la relation grince depuis des années. Et aujourd’hui, l’ego claironnant des deux dirigeants n’aide pas. En dépit de leurs discours, Friedrich Merz et Emmanuel Macron ne renforcent pas l’Europe.

Jacques Pilet

Des Nymphéas au smartphone

Premier film de Cédric Klapisch présenté à Cannes en 35 ans de carrière, «La Venue de l’avenir» ne marque pas tant un saut qualitatif que la somme d’une œuvre à la fois populaire et exigeante. En faisant dialoguer deux époques, la nôtre et la fin du 19e siècle des impressionnistes, (...)

Norbert Creutz