Quand un penseur nous encourage à résister au Dieu méchant

Publié le 19 janvier 2024
Si l’Unique continue d’être invoqué pour justifier guerres et crimes contre l’humanité, à l’enseigne des trois monothéismes en conflit depuis plus de vingt siècles, la survie de la civilisation dépendra de notre capacité à analyser les fondements et les conséquences de «La folie de Dieu», titre d’un essai majeur de Peter Sloterdijk, penseur européen ô combien stimulant. Sur un ton plus polémique, le conteur et romancier Pierre Gripari avait (ré)ouvert le feu avec son «Histoire du méchant Dieu» – à relire avec un grain de sel… Dans un livre plus récent, «Faire parler le ciel», le même Sloterdijk distingue l’apport majeur de la «théopoésie» à la civilisation, où la spiritualité incarnée et réjouie prime sur les dogmes abstraits et les vérités exclusives des théologiens de tout poil...

«La guerre pour l’appropriation de Jérusalem est aujourd’hui la guerre mondiale», écrivait le philosophe français Jacques Derrida il y a trente ans de ça, dans un texte intitulé Spectres de Marx (Galilée, 1993), et son confrère allemand Peter Sloterdijk, évoquant la concurrence que se livrent trois eschatologies messianiques «dans la guerre sans merci qu’elles se livrent, directement ou indirectement», toujours selon Derrida, a beau se distancer de ce qu’il estime une «exagération pathétique»: le fait est que les événements actuels du Proche-Orient donnent une nouvelle actualité à cette formule polémique, et d’un clic vous trouverez, ainsi, sur le site d’ARTE, un reportage sur la question cruciale de Jérusalem…
Il y a 25 ans de ça, le soussigné et le jeune écrivain franco-suisse Pascal Janovjak, établi à Ramallah avec sa compagne en mission à Gaza pour la section italienne d’Amnesty international, entreprirent une correspondance apolitique publiée sur Internet et dont les quelque 150 lettres, entre 2008 et 2009, jusqu’à l’opération Plomb durci de l’armée israélienne à Gaza, reflétaient malgré tout, sans parti pris, la situation de plus en plus explosive atteignant aujourd’hui les extrêmes. 
Or, au fil de nos lettres, la question de l’influence des religieux israéliens ultra-orthodoxes, en concurrence exacerbée avec celle des intégristes musulmans, me semblait, plus qu’à mon correspondant «sur le terrain» un élément crucial de l’affrontement marqué de part et d’autre, au nom d’un même Dieu unique quoique multiface, par l’exaltation du «crime de devoir sacré», ainsi que l’a fort bien analysé, en 2015, un Etienne Barilier dans son mémorable Vertige de la force.
Pour calmer le jeu en matière de religion
La question religieuse, ou plus particulièrement les occurrences person...

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