Première d’une subtile et tronitruante Lucrèce Borgia

Publié le 10 janvier 2018
Au Pulloff, Jean-Gabriel Chobaz donne à la tragédie de Victor Hugo des accents actuels qui ne trahissent pas ce texte implacable. Sensuel et dangereux.

Terreur et délice au Pulloff à Lausanne. Grâce à Jean-Gabriel Chobaz – c’est son habitude – le théâtre dit «de texte» subsiste dans la capitale vaudoise et ouvre 2018 (ainsi que la deuxième partie de la saison théâtrale) avec fracas. C’est pas qu’on soit bégueule, réac’ ou insensible aux charmes tonitruants des productions de Vincent Macaigne, pas du tout, mais on respire un peu de voir l’offre culturelle lausannoise complète et protéiforme, reflétant à peu près toutes les conceptions possibles du théâtre, qu’il penche vers la performance, qu’il tire vers l’art contemporain ou qu’il se mesure aux grands textes. Soulagement, à la première de Lucrèce Borgia, on n’a pas choisi pour nous. Au contraire, c’est le public qui a le choix.
Au même moment qu’au bout de la même cour du Vallon, le festival Singuliers Pluriel, initié par Michel Sausser du 2.21, donne à voir des solos audacieux, et qui sont autant de pistes à suivre sans hésiter pour apercevoir des horizons neufs – BourBon du musicien et compositeur Camille-Alban Spreng, coécrit avec la comédienne Claire Deutsch, est à n’y manquer sous aucun prétexte – l’écurie Chobaz s’attaque à Victor Hugo et sa Lucrèce Borgia. Un défi à bien des égards, évidemment. Le poids du chef-d’œuvre, mais surtout l’impossibilité de se réfugier derrière l’éclat inaltérable de la tragédie versifiée. Dans ce mélodrame situé dans l’Italie du 16ème siècle, on est en prose et face à un certaine idée du grotesque qui prête à rire, ce que le public a abondamment fait en ce soir de première.
On rit, car cette tragédie, si elle est délestée de codes bien connus, a toutefois tous les attributs d’un drame de palais. Lucrèce Borgia (une Isabelle Bosson qui attaque un peu vite avant de parvenir à rythmer ses accès de haine), gorgone acerbe, empoisonneus...

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