Plongée chez les prétendus «complotistes»

Publié le 28 mai 2021

© Jacques Pilet

La manifestation qui a réuni cinq à six mille personnes à Neuchâtel samedi dernier fut un beau moment politique. On en a trop peu parlé. Ces opposants à l’obsession sanitaire et aux pleins pouvoirs du gouvernement ne ressemblaient nullement aux «zinzins» timbrés que tant de médias diffament ainsi.

Grâce à la Ville de Neuchâtel qui avait autorisé le rassemblement «par souci de la liberté d’expression», tout s’est passé le plus paisiblement du monde dans les rues et le parc ensoleillé des Jeunes Rives. Pour qui a vu bien des manifs contestataires au fil du temps, c’était plutôt surprenant. Rien d’une réunion de casseurs de l’ordre public. Le leitmotiv, c’était au contraire l’appel au respect des institutions démocratiques. Appel au dialogue avec le Conseil fédéral, rappel des droits populaires, exaltation − avec une certaine naïveté patriotique! − de la démocratie helvétique. On ne peut pas en dire autant d’autres indignés. Le soir même, à la télévision (52 Minutes), la porte-parole suisse d’Extinction Rebellion disait tout son mépris du Parlement et des institutions en place, prônant des assemblées citoyennes, des comités d’experts pour imposer dans l’urgence des mesures écologiques drastiques.

Une protestation tranquille

Les sages manifestants convoqués par «Stiller Protest» (protestation tranquille) et les «Amis de la constitution» se montraient à la fois fâchés et sereins. «Je suis venu pour me retrouver avec des gens normaux», lâche un trentenaire au bras de sa compagne souriante. «Ras le bol de la psychose et de la pandémie!», proclame une grande fille délurée sur un bout de carton.

Désolé pour les traqueurs de complotistes, je n’ai vu ni entendu aucun slogan haineux ou délirants, ni contre Bill Gates, ni contre la G5, ni même contre la personne des conseillers fédéraux. Quel mélange dans cette foule! Des jeunes, des vieux, des familles, des solitaires, et manifestement de sensibilités politiques les plus diverses. Des nationalistes style UDC, des gauchistes brandissant leurs drapeaux rouges, et de nombreuses personnes sans attaches partisanes, simplement désireuses de réfléchir à ce qu’il advient de nous. Tel ce monsieur d’allure convenable qui ressort un mot de Goethe: «Celui qui dort dans la démocratie se réveille dans la dictature». Ou celui qui porte un T-shirt noir citant Benjamin Franklin: «Qui renonce à la liberté pour s’assurer de la sécurité finit par perdre les deux». Ou ce couple aux chapeaux rouges et blancs qui assure, sur un sac de toile: «La liberté est faite de courage». Ou cette dame qui affiche dans son dos le mot d’un médecin et théologien: «Dans le refus de la mort, nous nous enlevons la vie». Quelques penseurs de France et d’ailleurs n’ont pas dit mieux. Sans être cloués au pilori médiatique comme le sont les manifestants auxquels on colle l’étiquette abusive de «Corona sceptiques».

Romands et Alémaniques mobilisés pour la même cause

Autre fait politique remarquable, peut-être unique: les Alémaniques s’étaient déplacés en nombre pour rejoindre les Romands mobilisés par la même cause. Cela ne facilitait pas les discours mais cela faisait plaisir à voir. Et à entendre! La foule, largement germanophone, ne se lassait pas de crier en français: Liberté! Liberté! Comme si la symbolique de ce mot le rendait plus fort que celui de Freiheit.

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