Petit guide à l’intention des dictateurs (et surtout de leurs ennemis)

Publié le 2 septembre 2020
Dans «Le syndrome de la dictature», (Actes Sud, 2020) l'écrivain égyptien Alaa El Aswany ne fait pas que régler ses comptes avec le général Sissi, maître de son pays. Il met à nu les mécanismes qui portent au pouvoir des Xi Jinping, Alexandre Loukashenko, Vladimir Poutine, voire des Jair Bolsonaro, Viktor Orban et Donald Trump.

Depuis la sortie, en 1931, de «Technique du coup d'Etat» de Curzio Malaparte, le démontage de la mécanique qui amène un pays et son peuple à se soumettre à la volonté d'un seul homme (le femmes sont fort rares dans cet exercice) a conquis sa place comme genre littéraire. Et il n'est jamais aussi achevé que par des auteurs qui en ont une profonde expérience personnelle. Curzio Malaparte a entretenu des relations ambiguës avec le régime fasciste, qui l'a harcelé autant qu'il l'a privilégié.
L'écrivain égyptien Alaa el Aswany est reconnu dans son pays comme l'un des descripteurs les plus attentifs et les plus efficaces de la décadence de la société égyptienne gangrenée par la dictature, la corruption et l'oppression sociale, notamment vis-à-vis des femmes. Interdit dans tous les pays arabes à régime autoritaire, son roman «L'immeuble Yacoubian» lui a valu d'être comparé au grand auteur Naguib Mahfouz et sa dénonciation du nassérisme dans son roman «Dérives sur le Nil».
Mécanisme au scalpel
Désormais exilé car poursuivi par le régime dictatorial du général Abdel Fattah al-Sissi, il a publié à la fin de l'an dernier (traduction française parue en juin) dans «Le syndrome de la dictature» une analyse au scalpel des mécanismes qui amènent un peuple à se soumettre à la volonté d'un seul homme. La force de l'ouvrage ne tient pas que dans la description sans concession de mécanismes qui – hélas – se répètent d'une génération à l'autre. Mais aussi – et c'est là que la comparaison avec Curzio Malaparte est la plus pertinente – avec la force émotionnelle de l'intellectuel qui a subi dans sa vie les vexations ordinaires d'une vie sous cloche, et les poursuites spécifiques d'un régime qui ne tolère pas l'expression indépendante.
Le livre se divise en neuf sections, qui se lisent pratiq...

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