«On est beaucoup plus égalitaires aujourd’hui qu’au siècle dernier»

Publié le 16 août 2019

«Au début, il y a des gens qui ont refusé l’AVS, parce qu’ils avaient le sentiment de ne pas mériter cet argent.» – Image prétexte © PxHere

Dans un pays riche où on a tendance à oublier que la pauvreté affecte, aujourd’hui encore, plus d’un habitant sur dix, Anne Bottani met en scène des femmes de différentes époques presque toutes issues de milieux très modestes. Des femmes qui cherchent à investir leur infime marge de liberté. Dans son recueil paru aux éditions de l’Aire en 2018 sous le titre «Désirs et servitudes», l’auteure dépeint ses héroïnes à travers une écriture dont la simplicité, le dépouillement et la justesse correspondent parfaitement à l’esprit de ses personnages. Avec un goût certain pour les petites et grandes transgressions jubilatoires.

Anne Bottani © DR

BPLT: L’entourage social pourrait apporter un soutien dans des situations difficiles. Or, dans plusieurs de vos histoires, il ne fait au contraire qu’aggraver la détresse de celle qui s’est écartée des normes très rigides en lui jetant l’opprobre. Observez-vous encore cette absence de solidarité, cette manière d’enfoncer davantage ceux qui sont déjà en difficulté, dans la Suisse d’aujourd’hui?

A.B: Et bien oui, quand on commence à avoir des problèmes de précarité, ça entraîne des conséquences en cascade. Les gens qui fréquentent par exemple des associations comme Français en jeu ou Lire et écrire ne connaissent même pas l’existence des offres culturelles gratuites telles que les Estivales, comme si une précarité en entraînait une autre. Dans mon livre, le principe à l’œuvre est celui du bouc émissaire. La société se sent plus forte en excluant les gens qui dévient de ses normes.

Vous ne précisez pas où se passent les histoires de votre recueil, mais on sent un fort ancrage rural et catholique. Vous êtes-vous inspirée du Valais?

Oui, parce que c’est de là que je viens, je me suis inspirée des histoires que ma grand-mère racontait. Quand elle était jeune, on en avait fini avec ces histoires de filles-mères qu’on met au ban de la société, mais on continuait à en parler comme si c’était actuel tellement on était marqué. Il y avait une double exclusion, par la société et par les parents,...

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