«Nada», l’aliénation terroriste

Publié le 1 janvier 2019

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En 1972, Jean-Patrick Manchette publiait «Nada», un roman policier exposant une critique du terrorisme. Aujourd’hui, son récit est adapté en bande-dessinée, dans la collection Air Libre des Editions Dupuis, par Cabanes (dessins) et Doug Headline. Une nouvelle occasion de constater que les romans policiers de Manchette ont une formidable dimension politique.

Nada est le livre le plus directement politique de Jean-Patrick Manchette (1942-1995). A l’origine du néo-polar français, l’écrivain parisien, aux opinions d’ultra-gauche affirmées, a traité dans tous ses romans, de près ou de loin, de la lutte des classes et du rôle de l’Etat comme serviteur du capital, donnant à la critique social une forme originale. En 1972, il aborde avec Nada la question du terrorisme d’extrême-gauche, pour en livrer une analyse aujourd’hui toujours aussi pertinente et qui peut s’appliquer au terrorisme d’autres tendances politiques ou religieuses.

Une adaptation réussie?

Il est toujours difficile d’apprécier une adaptation. Faut-il le faire par comparaison avec l’œuvre originel ou sans en tenir compte? C’est le troisième roman de Manchette que Cabanes et Doug Headline adaptent. Il y a eu La princesse de sang en 2011 et Fatale en 2014, aussi aux Editions Dupuis. Le découpage et les dessins de Cabanes sont fidèles au récit, et apprécier ou pas son trait est une inintéressante question de goût. Textes et dialogues, eux, sortent en droite ligne du roman. Il faut dire que Doug Headline est le pseudonyme de Tristan Manchette, le fils de Jean-Patrick, toujours respectueux de l’œuvre paternelle.

C’est sans doute le seul reproche que l’on peut faire aux adaptations de Cabanes et Doug Headline: elles sont tellement fidèles que l’on se demande quel relief et quel dialectique elles apportent aux écrits de Manchette. Peut-être donnent-elles simplement l’occasion à de nouveaux lecteurs de les connaître, et c’est déjà pas...

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