Monique Jacot, territoires secrets

Publié le 6 août 2020
Ses reportages ont été publiés dans les magazines les plus prestigieux, Du, Vogue, Camera. Qui l’ont conduite en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient. Monique Jacot – elle est née en 1934 – est une inlassable chercheuse. Ce qui fait d’elle bien davantage qu’une photographe. Les travaux qu’elle mène depuis les années 1980 la rapprochent de l’art de l’estampe, tant d’un point de vue technique que formel. Comme en témoigne l’exposition que lui consacre le Musée Jenisch – Cabinet cantonal des estampes à Vevey.

Dans sa longue carrière, Monique Jacot, qui vient d’obtenir le Grand prix suisse du design, a quasi tout vu et tout photographié, abordant à peu près tous les genres. A peine diplômée de l’Ecole des Arts et Métiers de Vevey que déjà, en 1956, Die Woche et Annabelle publient ses premiers reportages. Dès lors la Neuchâteloise ne va plus cesser de courir le monde. Elle remplit divers mandats pour l’industrie horlogère et l’OMS, signe des guides de voyage, des documentaires sur le théâtre et le cinéma, réalise les portraits de célébrités du moment, Niki de Saint Phalle, Max Frisch, Friedrich Dürrenmatt. 
A partir des années 1980, son travail se fait plus sociologique; elle s’intéresse à la condition des ouvrières et des paysannes, y consacrant expositions et livres, dont Femmes de la terre (1989) et Cadence – L’usine au féminin (1999). Une découverte aussi va changer durablement sa façon de travailler, sinon de voir, et qui l’amène à s’émanciper toujours plus de la photo de presse, le Polaroid. Une bonne partie de l’exposition de Vevey est d’ailleurs consacrée à ce versant du travail de Monique Jacot. Mais attention, il ne s’agit pas de simples instantanés. Certaines œuvres évoquent l’univers des surréalistes, Man Ray, Meret Oppenheim, voire, plus près de nous, Andy Warhol. 

Monique Jacot, Sans titre, série Vertébrés – Invertébrés, 2004, Transfert Polaroid, Cabinet cantonal des estampes - Musée Jenisch Vevey © Photo Julien Gremaud
C’est que, dans l’intervalle, sous l’impulsion de son compagnon, l’imprimeur Jean Genoud, la photographe a rencontré l’univers de l’estampe. Ce qui nous est montré peut d’ailleurs s’apparenter à la technique du monotype. Sauf qu’ici, plutôt qu’une plaque de verre sur laquelle on aurait dessiné directement à l’encre d’imprimerie, Monique Jacot uti...

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