Les réseaux technologiques autoritaires

Les liaisons dangereuses entre pouvoir politique et technologie: le «Authoritarian Stack». © cc-by-nc-nd-4 authoritarian-stack.info
Article publié sur Infosperber le 10 novembre 2025, traduit et adapté par Bon pour la tête
Des chercheurs viennent de publier une carte interactive révélant les liens personnels et financiers derrière ce qu’ils appellent le «Authoritarian Stack» — un réseau d’entreprises technologiques, d’investisseurs et de responsables politiques qui façonnent une nouvelle infrastructure mondiale du contrôle.
Au cœur de ce système se trouve le contrat de 10 milliards de dollars signé cet été entre le Pentagone et l’entreprise Palantir, fondée par le milliardaire Peter Thiel. Pour la chercheuse Francesca Bria, spécialiste de la souveraineté numérique, cet accord marque un tournant: «Les Etats-Unis ont confié des fonctions militaires clés à une entreprise privée dont le fondateur affirme que liberté et démocratie ne sont plus compatibles», rappelle-t-elle.
Une infrastructure de contrôle globale
Selon Francesca Bria, un écosystème autoritaire s’est constitué aux Etats-Unis dans des domaines stratégiques: cloud, intelligence artificielle, finance, drones, satellites. Ce «stack» technologique forme une zone où les grandes entreprises imposent leurs propres règles, échappant aux cadres juridiques habituels.
Le site authoritarian-stack.info permet de visualiser ce réseau: plus de 250 acteurs, des milliers de connexions vérifiées et 45 milliards de dollars de flux financiers y sont cartographiés. Le projet, porté par une équipe de chercheurs, met aussi en évidence les liens croissants entre ce système américain et l’Europe.
L’Europe, terrain d’exportation
Parmi les exemples cités: les contacts entre le PDG du groupe Springer, Mathias Döpfner, et Peter Thiel, les coopérations entre des polices allemandes et Palantir, ou encore les relations entre Rheinmetall et le fabricant de drones Anduril.
Une section de la carte est consacrée à la dimension européenne, où l’on peut observer les ramifications de ces partenariats et leur influence croissante sur les politiques publiques.
«Une externalisation de la souveraineté»
Pour Francesca Bria, l’Europe est à la croisée des chemins: «Soit elle bâtit dès maintenant une véritable souveraineté technologique, soit elle accepte la domination de plateformes dont les architectes considèrent la démocratie comme un logiciel obsolète.»
Elle dénonce une «externalisation systématique de la souveraineté européenne au profit des oligarques américains», un processus qui, selon elle, s’enracine à chaque nouveau contrat et pourrait bientôt devenir irréversible.
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Cet article est paru initialement sur netzpolitik.org (licence Creative Commons BY-NC-SA 4.0). Ce média à but non lucratif est principalement financé par les dons de ses lecteurs.
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