Le théâtre dans un fauteuil

Publié le 15 décembre 2020
Saviez-vous que dans la grande famille des œuvres théâtrales, certaines étaient destinées à être lues et non à être représentées? C’est le cas de l’écrivain français Alfred de Musset et de sa comédie «Fantasio». Plonger dans la première partie du XIXe siècle est un bon plan pour nous autres, orphelins des arts de la scène. Surtout, si comme moi, vous vous ennuyez moins chez vous qu’au théâtre.

Il est possible, eh oui, d’assister à un spectacle depuis son fauteuil, et sans smartphone ni autre écran. Du moins, ce fut l’idée, disons la fantaisie, d’Alfred de Musset, ce dandy dépressif qui vécut à Paris de 1810 à 1857 et consomma une relation tumultueuse avec George Sand. Jusqu’à un renouveau de la recherche au XXe siècle, cet auteur n’a pas intéressé grand monde, étant accusé de variété et de facilité. La réception de ses pièces de théâtre en son temps? Une catastrophe. Il écrivit aussi notamment des poèmes, très classiques, ainsi qu’une autobiographie, et non la moindre: Confession d’un enfant du siècle, paru en 1836.
Un spectacle sans bouger de chez soi
Tous les amoureux de littérature, de théâtre et d’originalité tout simplement devraient pourtant s’acoquiner avec ses pièces de génie. Fantasio en est un bon exemple. C’est l’histoire d’un mec qui, poussé par un ami à commettre une grande action, se déguise en fou de la Cour pour conquérir le cœur de la princesse, pourtant promise à un prince – lequel est ridicule. L’argument, vous le constatez en ce moment même, ne tient en rien. C’est la manière dont cette pièce est écrite qui provoque une folle expérience chez le lecteur-spectateur.
Il s’agit d’un «théâtre dans un fauteuil», de l’expression de Musset lui-même dans La Revue des deux mondes en 1834. Le texte, bien que représentable, n’est pas destiné à être représenté. Musset écrit «pour une sorte de théâtre idéal, ou pour ce que le théâtre pourrait être», comme l’a relevé l’universitaire lausannoise Valentina Ponzetto lors d’une conférence en 2016. Des répliques à la longueur très variable, de nombreuses digressions, une pluralité de registres de langue, des personnages qui passent du coq à l’âne: tous les ingrédients sont là pour que le tout ne soit jouable ...

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