Le Parlement au placard

Ce n’est pas la première fois. Lors de la Première puis de la Seconde guerre mondiale, le Conseil fédéral avait gouverné sans tenir compte de l’avis du Parlement. Il fallut attendre le début des années 50 pour que ce «droit d’urgence» prenne fin grâce à une initiative populaire. Entretemps, toutes sortes de mesures avaient été prises sans aucune référence à la situation militaire. Les Sept s’étaient simplement habitués à gouverner sans complications démocratiques.
Et voilà que cela se reproduit. Et l’on ne parle pas ici de la loi COVID, ni de la situation sanitaire. Les trois décisions qui marquent ce début d’année n’ont donné lieu à aucun vote, ni devant le Parlement ni devant le peuple.
Pis encore, tout au long des années de négociations entre la Suisse et l’Union européenne, les représentants élus du peuple n’ont même pas été informés correctement sur le cours du processus. On n’a pas su davantage comment, par qui, au terme de quels débats, il a finalement été décidé unilatéralement d’enterrer le projet. Que celui-ci n’ait jamais été soumis au vote populaire est une insulte au système démocratique.
Rebelote avec le choix politique d’un avion américain qui ancre le pays dans l’OTAN et l’éloigne de ses partenaires européens. Passez, il n’y a rien à voir. L’administration a décidé. Punkt Schluss. Pas de référendum possible. Seul espoir, l’initiative populaire. Processus lent, hasardeux en raison de la majorité exigée de cantons, en fait peu adapté à un tel sujet. Quant aux parlementaires que heurte cette décision, ils sont nombreux, ils demandent gentiment des explications qu’on leur donnera du bout des lèvres.
Manque total de vision
C’est aussi une question de sécurité qui est posée avec l’invraisemblable désignation des géants chinois et américains Alibaba, Amazon et consorts pour héberger les données de la Confédération. Au risque de mettre la machine de l’Etat sous leur coupe. Là encore les bureaucrates, les tâcherons accrochés à leurs calculettes ont totalement manqué de vision. Et leurs chefs si prompts à blablater sur l’avenir digital? Ils renoncent à toute ambition nationale: il existe en Suisse des entreprises qui sont en mesure de répondre aux exigences posées et se développeraient avec la pluie de millions prévus à cet effet. Le Conseil fédéral se moque d’elles. Les parlementaires? Aux abonnés absents. Ils ne bronchent pas. En raison des vacances? Car il est vrai qu’ils les prennent tôt. En raison plutôt de leur incapacité à sortir des routines programmées. Incapables de lever la voix, devant l’opinion publique ou sous la Coupole, lorsque l’administration déraille. Tellement plus facile de suivre les consignes du parti, et en bonne concordance, celles du pouvoir. Réfléchir? Dépasser les schémas traditionnels? Provoquer un brin? Non. Il suffit, pour la plupart d’entre eux, de siéger. Au sens primaire du terme: garder son cul sur une chaise.
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