Le journaliste le plus suivi et le plus controversé

Publié le 16 septembre 2020
Vous ne sauriez croire comme c’est merveilleux de finir sa vie comme journaliste. Grâce au journalisme, je suis encore dans la vie. Sans le journalisme je serais, comme tant d’hommes de mon âge, sur une voie de garage.» Ces propos, tenus devant la presse étrangère à Paris en 1963, sont de François Mauriac. Depuis dix ans, le romancier s’est mué en chroniqueur incisif de la vie politique au fil de ses fameux Bloc-Notes – ils viennent d’être réédités. De Gaulle, qui, comme Mauriac, disparaîtra en 1970, n’a pas alors de plus sûr soutien. Tandis que pour l’écrivain, ce nouveau rôle s’apparente à une seconde carrière, sinon une seconde vie.

1952, l’année du Prix Nobel attribué à François Mauriac. La seule couronne qui manquait encore à son front après le Grand Prix de l’Académie française et l’entrée triomphale sous la Coupole en 1933, à l’âge de quarante-huit ans. Il est alors l’un des plus jeunes académiciens comme plus tard un certain d’Ormesson. Et tout, à l’instar encore de ce dernier, semble lui réussir. Jusqu’à ce cancer de la gorge qu’il a vaincu et qui lui vaudra cette voix murmurée, indissociable désormais de son personnage aux apparences faussement fragiles. 

Malagar où François Mauriac a écrit tant de Bloc-Notes. Saisie d’écran.
Très tôt, Mauriac est un écrivain choyé et ses romans, Le Désert de l'amour, Thérèse Desqueyroux, Le Nœud de vipères, Le Mystère Frontenac, connaissent un immense succès. Certes sont-ils d’un bourgeois, de province de surcroît, de Bordeaux, mais leur auteur n’a de cesse de retourner sa plume contre son milieu pour en fustiger l’étroitesse et l’hypocrisie. Ils sont aussi, autre tare diront les mauvaises langues, d’un catholique, mais, bien loin de représenter des modèles de piété, ils disent au contraire les tourments de l’âme et les tiraillements de la chair. Ainsi Thérèse, l’héroïne de son roman le plus célèbre peut-être, incarne-t-elle la passion dévorante et son modèle véritable, plus encore que les protagonistes de faits divers qui l’ont inspiré, c’est Phèdre. «Mais où, cher Maître, lui demanda un jour une admiratrice, allez-vous chercher toute cette noirceur? – Mais en moi, Madame, en moi!»  
Evoquant ses engagements, Mauriac dira,«je suis né du mauvais côté.» Entendez: ce milieu provincial conservateur, abonné à L’Action française et au Gaulois, où le romancier donne ses premiers articles. Car il a très tôt écrit pour la presse, s’exerçant d’une certaine manière ...

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